Automobile : face à Pékin, l’UE marche sur un fil de soie

Le vice-président de la Commission Valdis Dombrovskis entame samedi (23 septembre) une visite de quatre jours à Pékin pour "maintenir le dialogue ouvert". [Alexandros Michailidis / Shutterstock]

En ouvrant une enquête sur des aides présumées illégales de la Chine à ses fabricants de voitures électriques, l’UE tente un pari difficile : montrer ses muscles sans trop irriter Pékin, réduire sa dépendance commerciale sans rompre avec le géant asiatique.

Le vice-président de la Commission Valdis Dombrovskis entame samedi (23 septembre) une visite de quatre jours délicate chez ce « partenaire, concurrent et rival » selon la doctrine stratégique européenne.

De Shanghai à Pékin, en passant par Suzhou, le responsable letton s’efforcera d’expliquer les attaques de la présidente Ursula von der Leyen contre « les pratiques déloyales » de la Chine et l’enquête antisubventions sur les véhicules chinois annoncée dans un discours à Strasbourg le 13 septembre.

Pékin a dénoncé une mesure « protectionniste » qui aura « un impact négatif sur les relations économiques » entre les deux blocs.

Derrière cette passe d’arme, l’Europe veut éviter un conflit funeste et « maintenir le dialogue ouvert » avec son premier partenaire commercial, a souligné Valdis Dombrovskis. Mais Bruxelles entend aussi protéger son industrie automobile face à une déferlante d’importations chinoises bon marché.

Sur le créneau de l’électrique, leur part de marché a été multipliée par 12 en Europe depuis 2019 pour atteindre 6,2% cette année, selon Jato Dynamics. Et, au premier semestre, la Chine est devenue le premier exportateur mondial de voitures, dépassant pour la première fois le Japon.

L’avertissement de Mme von der Leyen « n’est pas qu’un coup de menton. C’est suffisamment offensif pour que ça ait été murement réfléchi », estime Elvire Fabry, chercheuse en géopolitique du commerce à l’Institut Jacques Delors.

« Des aides massives »

Sans présumer du résultat de l’enquête, qui devrait durer un an, cette experte « n’imagine pas que la Commission soit allée à l’aventure sans éléments solides ». La Chine a une longue pratique d’aides massives « subventions, réductions de taxes, marchés publics très généreux, accès à des terrains gratuits pour l’implantation d’usines … », assure-t-elle.

L’UE pourrait décider de taxer les véhicules importés de Chine, au-delà des 10% actuels. Mais il n’est pas sûr qu’elle y ait intérêt. Et réunir les preuves s’annonce complexe.

« Il n’est pas acquis que l’enquête aboutira » à des mesures, estime Simone Tagliapietra, de Bruegel. Selon le centre de réflexion, sur 342 enquêtes antisubventions lancées par la Commission contre la Chine depuis 15 ans, 101 n’ont pas donné lieu à l’imposition de droits de douane compensateurs.

Pour Ferdinand Dudenhöffer, expert du Center Automotive Research (CAR) en Allemagne, les accusations lancées par Ursula von der Leyen sont cependant « extrêmement dangereuses ».

Il y voit une initiative inspirée par la France, dont l’industrie automobile est inexistante en Chine, un marché crucial pour l’Allemagne malgré des parts de marché en recul. On veut « protéger l’industrie automobile française » en Europe « au détriment de la filière allemande » qui réalise 40% de son chiffre d’affaires mondial en Chine, affirme-t-il.

M. Dudenhöffer estime d’ailleurs que le succès chinois dans les véhicules électriques ne provient pas de mesures protectionnistes mais plutôt d’une politique « intelligente » menée « sur le long terme ».

Très en retard sur les motorisations essence et diesel, Pékin a investi très tôt dans les batteries, un secteur dont elle est devenue le champion mondial en s’assurant aussi un contrôle des filières de matières premières.

La Chine a ensuite habilement favorisé ces motorisations « propres » sur son immense marché intérieur, le premier mondial avec près d’une immatriculation sur trois dans le monde.

Un groupe chinois dépasse Volkswagen

Résultat, le constructeur chinois BYD y a doublé l’allemand Volkswagen en fin d’année dernière pour devenir numéro Un des ventes, en produisant moins cher, grâce à de très grandes séries, comme l’américain Tesla.

Les groupes chinois ont investi l’entrée de gamme délaissée par les Européens. Or, les véhicules électriques deviennent aussi un marché de masse dans l’UE où la vente de moteurs thermiques sera interdite à partir de 2035.

L’Europe avait subi un échec cuisant face à Pékin sur le marché des panneaux photovoltaïques. Après avoir imposé des mesures anti-dumping, elle les avait retirées en 2018, abandonnant complètement le marché aux concurrents chinois.

Mais l’automobile est une filière stratégique qui emploie 14,6 millions de salariés dans l’UE. Difficile, cette fois, d’imaginer un abandon en rase campagne.

D’autant que la posture européenne a changé après le choc de la pandémie de Covid puis de la guerre en Ukraine qui ont révélé le danger d’une dépendance excessive vis à vis de l’étranger. Notamment en Allemagne, traumatisée par l’interruption des livraisons de gaz russe.

L’UE s’est dotée ces dernières années d’outils de défense de ses intérêts économiques pour diversifier ses fournisseurs, produire plus en Europe, exiger l’ouverture des marchés publics ou luter contre la coercition.

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