Président du Conseil italien de 2013 à 2014 et enseignant à Sciences-Po Paris, Enrico Letta lance dans un livre* un appel à changer l'Europe pour éviter sa mort. Il estime que le nouveau président français a un rôle décisif à jouer dans ce sauvetage. Entretien.
En quoi le résultat de l'élection présidentielle française peut-elle changer la donne pour l'Europe ?
Pour beaucoup d'Européens, et notamment pour les Italiens qui ont suivi cette campagne avec beaucoup d'attention, l'affrontement final entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen devait automatiquement avoir de fortes retombées sur les autres pays. C'est un scrutin qui devait orienter et influencer le destin des pays voisins de la France, et c'est pourquoi nombre d'Européens auraient aimé pouvoir voter... En fait, l'opinion publique européenne a eu le sentiment que le second tour de la présidentielle en France était une sorte de référendum sur le devenir de l'Europe. Deux options s'opposaient, l'une proposant la fin de l'Europe et l'autre, la continuité, mais avec à la clé des changements importants. Certains en Europe redoutaient, après l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis, la victoire de Marine Le Pen portée par la montée du nationalisme en Europe. C'était une erreur de calcul, la France ne pouvait pas basculer. J'ai toujours pensé que Marine Le Pen ne pouvait pas gagner avec un slogan qui parlait aux tripes des électeurs, mais qui n'était pas un véritable programme et ne pouvait pas le devenir.