Crise politique en Allemagne : Macron inquiet pour son rêve européen

La crise politique en Allemagne marque un sérieux coup de frein pour le président français Emmanuel Macron, qui a sur son agenda une longue liste de réformes à porter au niveau de l'UE.

 La crise politique en Allemagne après l'échec des négociations de coalition prive l'Union européenne de l'un de ses principaux moteurs.
La crise politique en Allemagne après l'échec des négociations de coalition prive l'Union européenne de l'un de ses principaux moteurs. AFP PHOTO / John MACDOUGALL

    La lune de miel franco-allemande féconde sur laquelle table Emmanuel Macron pour «refonder l'Europe» serait-elle compromise ? Au lendemain de l'échec des négociations outre-Rhin entre la CDU-CSU d'Angela Merkel, les libéraux du FDF et les écologistes, le risque d'un blocage n'a jamais été aussi grand.

    La France «n'a pas intérêt à ce que ça se crispe», a affirmé lundi Emmanuel Macron. «Ce qui fait que nous, on doit avancer», a ajouté le chef de l'Etat, s'exprimant au début d'une rencontre avec le chef de file des Républicains, Bernard Accoyer, qu'il reçoit justement à l'Elysée dans le cadre de consultations sur ses projets européens et la possibilité de revenir à un scrutin national lors des élections européennes de 2019.

    Emmanuel Macron a expliqué s'être entretenu avec la dirigeante conservatrice «tard» dimanche soir. «Les déclarations de Lindner sont assez dures», a-t-il ajouté, estimant qu'il avait «un vrai risque» de désaccord en Allemagne. «Il est préférable de ne pas gouverner que de mal gouverner», avait déclaré dimanche soir à Berlin le président du FDP, Christian Lindner.

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    Quel avenir pour le discours de la Sorbonne ?

    Cette situation «ne fait que renforcer la nécessité pour la France de proposer, de prendre des initiatives, de travailler à un projet européen ambitieux que nous mettrons en oeuvre avec notre partenaire allemand», a précisé l'Elysée un peu plus tard.

    Fin septembre, Emmanuel Macron prononçait à La Sorbonne un discours de plus d'une heure et demie sous forme de plaidoyer en faveur d'une Europe «à plusieurs vitesses», autour d'un couple franco-allemand consolidé. Parmi ses suggestions pour l'UE, la création d'un gouvernement économique de la zone euro, avec un ministre et un budget propres, contrôlés par un parlement, ou encore une force commune d'intervention européenne pour 2020.

    «Je vois de façon positive les initiatives en direction d'une Europe de la Défense et aussi d'une Europe dans laquelle nous gérons ensemble la question de la politique migratoire», se félicitait à l'époque la chancelière allemande, tout en restant plus réservée sur les propositions économiques.

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    L'Allemagne, une épine de plus

    «Macron a besoin de Merkel, il ne peut pas s'orchester comme l'homme fort de l'Europe à la place de la chancelière», juge Dominik Grillmayer, expert à l'Institut Franco-Allemand de Ludwigsburg (Allemagne). «Au-delà de la crise allemande, il y a un problème pour la France d'avoir en face d'elle des partenaires opérationnels pour avancer», relève Sébastien Maillard, directeur de l'Institut Jacques Delors.

    En Espagne, la crise catalane n'est pas finie, l'Italie se prépare à des élections au printemps, les partenaires d'Europe de l'Est sont «incertains», sans parler des Britanniques sur le départ, énumère l'analyste.

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    «Un gros retard à l'allumage»

    L4UE espérait voir son horizon dégagé après les élections françaises du printemps et allemande à la rentrée, une «fenêtre de tir» avant que ne soit lancée la campagne pour les élections européennes de 2019. «Sur les trois grands sujets que sont la défense, l'Union économique et monétaire et la crise migratoire on ne peut pas avancer sans avoir un moteur franco-allemand en état de marche. Et là il y a un gros retard à l'allumage qui n'était pas anticipé», souligne Sébastien Maillard.

    L'avenir de la zone euro et de l'Union bancaire, actuellement en grande discussion, ne peut par exemple pas être pensé sans l'Allemagne, toujours réticente à partager le risque bancaire avec les pays du sud de l'Europe aux institutions financières fragiles.

    La Commission européenne a fait savoir lundi, par la voix d'une porte-parole, Margaritis Schinas, que «la Constitution allemande offre la base pour la stabilité et la continuité dans des situations pareilles, aussi à la lumière des leçons du passé».