Européennes : voter pour la droite ou la gauche ce n'est pas (exactement) la même chose

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Européennes : voter pour la droite ou la gauche ce n'est pas (exactement) la même chose

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Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le premier vice-président de la Commission,  Frans Timmermans, à Strasbourg, en octobre 2018.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le premier vice-président de la Commission, Frans Timmermans, à Strasbourg, en octobre 2018.
© AFP - FREDERICK FLORIN

Ce sont les deux groupes politiques les plus importants au Parlement européen : le PPE (conservateur) et les S&D (sociaux-démocrates) concentrent plus de la moitié des eurodéputés sortants. Si leurs opposants les critiquent pour leurs alliances, il y a bel et bien des différences.

La phrase est signée Alexis Corbière, le 24 avril sur France Inter. À propos de Raphaël Glucksmann, candidat de la liste d'alliance Place Publique - Parti Socialiste - Nouvelle donne pour les élections européennes, le député France Insoumise déclare : "M. Glucksmann ira siéger au Parti socialiste européen [PSE, ancien nom des S&D, ndlr] et votera pour M. Timmermans, le candidat du PSE, qui est actuellement le premier vice-président de M. Junker. Il veut tout changer en gardant les mêmes !" 

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Sous-entendu, selon Alexis Corbière : Jean-Claude Junker (PPE, président de la Commission européenne) et Frans Timmermans (S&D, premier vice-président de la Commission européenne) sont "les mêmes". Vraiment ?

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Compromis négocié

Le Parti populaire européen (PPE) et les Socialistes et démocrates (S&D) sont, depuis 1979, les deux groupes les plus importants au Parlement européen en nombre d'eurodéputés : 404 élus (sur 751) lors de la dernière législature, issus des 28 pays de l'Union européenne. Pour ce qui est des eurodéputés français, on retrouve les élus du parti les Républicains dans les rangs du premier, le Parti socialiste appartenant au second.

Comme le souligne Alexis Corbière, la Commission européenne est dirigée par Jean-Claude Junker, issu du PPE, arrivé en tête des élections européennes de 2014. C'est lui qui a nommé Frans Timmermans, issu des S&D, au poste de vice-président, le présentant même à l'époque comme son "bras-droit". Autre indice qui laisserait penser que les deux groupes sont "les mêmes" : leurs eurodéputés se sont retrouvés sur 90 % des votes finaux en 2017, selon un bilan réalisé par la Fondation Robert Shuman.

"Cela s'explique par la logique du consensus et du compromis négocié qui régit le Parlement européen, contrairement à certains parlements nationaux", explique Thierry Chopin, professeur de science politique à l'Université catholique de Lille (ESPOL) et conseiller spécial à l'institut Jacques Delors. En effet, à Strasbourg, aucun groupe politique n'a la majorité absolue. Or, comme le souligne un membre de la délégation socialiste, "si au début, tout le monde affirme ses positions, nous avons obligation de trouver un accord, sinon il y a zéro législation possible".

Des divergences

Cette culture du compromis, pour autant, ne signifie pas que la droite et la gauche votent tout le temps de la même manière. "Sur la mandature 2009-2014, deux tiers des votes sont trans-partisans et reposent sur une alliance entre le PPE et les S&D, note Thierry Chopin. Mais dans un tiers des cas, les deux groupes ne votent pas ensemble."

En 2011, par exemple, le Parlement européen approuve un paquet de mesures renforçant la surveillance de la politique économique des États membres, afin d'éviter les déficits excessifs. Si les eurodéputés sociaux-démocrates votent massivement contre, les élus du PPE, eux, votent pour. Les textes sont alors adoptés grâce aux voix des libéraux, rappellent Thierry Chopin et Yves Bertoncini dans une étude publiée en 2014. A contrario, en 2010, une directive visant à allonger la durée minimum du congé maternité est rejetée par les conservateurs, mais approuvée par le Parlement grâce à une coalition entre les sociaux-démocrates, les écologistes et de la gauche radicale.

"Au-delà des oppositions classiques, il y a désormais aussi aujourd'hui un clivage sur les questions de valeurs, d’ouverture et d’immigration, explique encore Thierry Chopin. Cela permet aux différents groupes politiques de se positionner et de s'affirmer politiquement." Ainsi, en mars 2019, le Parlement a adopté le Fonds asile et migration visant à financer l’accueil, la prise en charge et l’intégration des demandeurs d’asile. Un amendement proposé par le groupe S&D, afin d'aider en premier lieu les États membres qui accueillent les réfugiés plutôt que les pays de départ, a été validé malgré l'opposition des conservateurs.

Un nouvel équilibre ?

L'équilibre qui a prévalu lors des dernières mandatures pourrait être perturbé après les élections européennes des 25 et 26 mai. Selon les sondages, si le PPE et les S&D resteraient les principales forces au Parlement, les deux groupes  pourraient perdre leur majorité absolue avec la montée des libéraux-centristes et des partis nationalistes.

Dans une note de l'Institut Jacques Delors, plusieurs chercheurs estiment que "les partis appartenant au PPE et à la droite populiste soutenant des valeurs plus traditionnelles et nationalistes, le centre-droit et l'extrême droite pourraient former des majorités de circonstance sur des questions telles que l'immigration". Ils ajoutent : "Cela pourrait aussi avoir un effet sur le centre de gravité du PPE, rendant plus compliqué une coalition stable avec les sociaux-démocrates et les libéraux."

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