La Croix : La question d’un budget de la zone euro, ainsi que celle de la création d’un ministre des finances européen, revient aujourd’hui à la faveur d’une déclaration d’Angela Merkel. C’est une idée ancienne.

Eulalia Rubio : En effet, l’idée n’est pas nouvelle, on l’a beaucoup évoquée dans les années de crise de la zone euro, notamment en 2012 avec les eurobonds (1). À l’époque, il était question de mettre en place un mécanisme de mutualisation des dettes européennes à la suite de la crise financière. La création d’un système intergouvernemental avec un pot commun auquel les pays contribueraient en fonction de leur capacité économique avait été évoquée.

Cette idée n’avait pas abouti, les Allemands étant farouchement opposés aux eurobonds. Qu’est-ce qui a changé ?

E. R. : Cela fait déjà un moment que les Allemands sont ouverts à la discussion sur le budget de la zone euro. Ils sont opposés aux transferts de souveraineté massifs, mais on les sent un peu plus ouverts sur le budget. En revanche, il y a différentes manières d’imaginer ce projet.

Les Allemands les plus orthodoxes ne veulent pas d’un budget européen qui exige beaucoup de solidarité entre États sans renfort de règles budgétaires européennes. En d’autres termes, ils ne souhaitent pas partager le risque budgétaire sans contrôle des risques nationaux. Cet équilibre entre solidarité européenne et responsabilité nationale sera au cœur de tout débat autour de la création d’un budget de la zone euro.

Angela Merkel a aussi évoqué un ministre européen des finances. Quel pourrait être son rôle ?

E. R. : A l’institut Jacques Delors, nous avons imaginé trois rôles qui pourraient être dévolus à ce poste. Premièrement, ce ministre des finances européen pourrait être chargé d’appliquer les règles budgétaires, de superviser la coordination des politiques économiques et budgétaires. Son second rôle serait de gérer le mécanisme de stabilité budgétaire. Il faudrait alors qu’il dispose d’une capacité budgétaire pour agir via un fond intergouvernemental. Enfin il serait chargé de gérer les plans de sauvetage des pays qui sont sous assistance financière.

Ces idées peuvent-elles aboutir rapidement ?

E. R. : Il y a aujourd’hui une fenêtre qui s’ouvre en Europe comme il n’y en a pas eu depuis longtemps. J’ai en tête les élections françaises bien sûr. Emmanuel Macron donne un nouvel élan dans son pays, mais aussi dans les autres pays d’Europe.

Si le résultat des élections se révèle favorable en Allemagne, il sera possible de discuter sereinement de ces questions jusqu’aux élections européennes de 2019. Il faut saisir cette opportunité. Il y a une conscience aujourd’hui chez les Français comme chez les Allemands qui me fait penser qu’on peut voir émerger un projet.

(1) Les eurobonds ou euro-obligations avaient été évoqués lors de la crise financière de 2011. Pour éviter la spéculation sur les dettes de certains États en difficulté, un projet d’émission d’obligations en commun par les pays de la zone euro avait été abordé. Elle aurait eu pour effet de mutualiser les dettes européennes mais aussi les risques.