Européennes : une percée limitée des populistes ?

Selon l'analyse de l'Institut Jacques Delors, le succès des populistes aux européennes serait limité mais ferait voler en éclats la cogestion PPE-PSE.

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Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán et le ministre de l'Intérieur italien Matteo Salvini.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán et le ministre de l'Intérieur italien Matteo Salvini.

© MARCO BERTORELLO / AFP

Temps de lecture : 4 min

À sept mois des européennes, l'Institut Jacques Delors se risque à évaluer quel Parlement européen sortira des urnes en mai 2019. La montée des extrêmes, phénomène mondial, n'est pas, aux yeux des experts de l'institut, le risque le plus grand encouru par le Parlement de Strasbourg. En effet, la prochaine chambre européenne ne comptera plus les eurosceptiques britanniques (conservateurs et Ukip). Les nationalistes, très divisés entre trois groupes (ECR, EFDD et ENL), représentent déjà 20 % du Parlement. Selon l'Institut, ils n'excéderont pas les 25 % dans le nouvel hémicycle et leurs divisions resteront importantes, ne serait-ce que sur la question russe ou l'allocation des fonds structurels (les nationalistes de l'Ouest ne voulant plus payer pour les pays d'Europe centrale et de l'Est). « Une poussée limitée », d'autant plus que certains courants populistes tels que la Hongrie de Viktor Orbán demeurent attachés au PPE (chrétiens-démocrates) et que d'autres, comme La France insoumise, sont au groupe GUE. L'alliance de l'extrême droite et de l'extrême gauche n'est pas encore envisageable à Strasbourg.

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En revanche, l'étude insiste davantage sur l'affaissement des deux principaux groupes du Parlement actuel, le PPE (les chrétiens-démocrates) et les sociaux-démocrates du PSE, qui conduira à une reconfiguration profonde de la vie parlementaire strasbourgeoise. On l'a encore vu le week-end dernier en Hesse, les deux familles, en pleine crise, subissent un recul important. Selon les estimations des sondages, compilés par les auteurs de l'étude, le PPE pourrait passer de 219 à 178 membres, tandis que le groupe des sociaux-démocrates tomberait à 137 membres contre 188 aujourd'hui. « Ainsi, les deux groupes, PPE et PSE, resteraient respectivement les premier et second groupes au Parlement européen, mais sans atteindre, à eux deux, la majorité absolue », estiment les auteurs de l'étude (*).

Des coalitions plus difficiles à construire

Les deux principales formations politiques connaissent d'autant plus, en leur sein, une évolution qui voit apparaître des forces plus éloignées de la doxa traditionnelle. Où situer, par exemple, les socialistes roumains qui, peu à peu, s'éloignent de l'État de droit  ? Or il semble que leur poids au sein du groupe des sociaux-démocrates va prendre de l'ampleur...

Aujourd'hui, le Parlement européen repose sur le compromis permanent entre PPE et PSE, avec des forces d'appoint qui, selon les sujets, combinent les libéraux de la Alde et les Verts. À l'avenir, « les majorités seront plus difficiles à construire », estime l'étude de l'Institut Jacques Delors. Avec un enjeu immédiat et plus ouvert : l'investiture de la nouvelle Commission et de son président. Il est encore trop tôt pour dire si le système des « spitzenkandidaten » (tête de liste européenne) sera véritablement pris en compte par le Conseil européen, mais il résulterait d'un Parlement plus divers une difficulté à se ranger derrière le candidat de la formation arrivée en tête aux élections. « En 2019, la situation sera très différente (en comparaison avec 2014, NDLR), car l'élection du président de la Commission sera moins liée aux poids respectifs des deux grandes forces politiques en présence, mais à la construction d'une coalition parlementaire plus large, souligne l'étude. Le président de la Commission deviendra de fait le chef de cette coalition parlementaire, avec un véritable contrat de coalition, à l'instar de la situation de très nombreux États membres dotés d'un régime de type parlementaire. »

L'incertitude du centre macroniste

Reste à savoir qui composera le groupe du « centre ». Pour l'instant, la stratégie d'Emmanuel Macron consistant à agréger des partis venus des trois groupes PPE, Alde et PSE ne s'est pas clairement concrétisée. Les auteurs de l'étude évoquent deux scénarios : la formation d'un nouveau groupe parlementaire autour de La République en marche (25 députés au minimum provenant de 7 nationalités) ou rejoindre le groupe Alde en le réformant de l'intérieur. Les projections actuelles accordent une centaine de députés à cette frange centriste qui deviendrait, de fait, un groupe pivot entre le PPE et les sociaux-démocrates. Les trois groupes seraient, avec l'appui des écologistes, contraints de s'entendre pour déjouer le blocage des extrêmes. Les Verts, qui connaissent une belle percée dans les scrutins belges, luxembourgeois et dans les régionales allemandes, devraient sortir renforcés du scrutin européen.

Ce qu'il est, en revanche, impossible de prévoir est le jeu des recompositions postélectorales. Les partisans de Salvini vont-ils rejoindre ceux d'Orbán pour tenter de rassembler une droite dure à Strasbourg  ? Où siégeront les eurodéputés du Mouvement 5 étoiles (aujourd'hui affiliés à l'EFDD) et du parti nationaliste allemand AfD à l'avenir  ? La ligne pro-russe et anti-russe va-t-elle structurer à l'avenir les groupes de la droite de la droite  ? « Seuls les Polonais et les Baltes continuent d'adopter un langage politique catégoriquement anti-russe, relève l'étude de l'Institut Jacques Delors. C'est en fait plus au Conseil européen qu'au Parlement que la présence des populistes se fait et se fera sentir, en raison notamment des règles de vote. En effet, dans une série de domaines qui ne relèvent pas de la codécision législative entre le Conseil et le Parlement, seul le Conseil décide, et souvent à l'unanimité, avec la participation de certains chefs de gouvernement ou même de ministres sectoriels proches des courants populistes ou extrémistes qui bloquent les décisions. »

(*) Ce travail a été réalisé par un groupe de travail présidé par Pascal Lamy avec Christine Verger, Pervenche Berès, Jean-Louis Bourlanges, Monica Frassoni, Valentin Kreilinger, Alain Lamassoure, Alessia Mosca et Geneviève Pons.

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Commentaires (11)

  • Frangipanier

    Quand on regarde attentivement les noms qui composent la clique ayant "fabriqué" ce torchon : Pascal Lamy avec Christine Verger, Pervenche Berès, Jean-Louis Bourlanges, ... Alain Lamassoure, etc. ), on n'est pas tellement étonné de leurs conclusions dignes de ce cher Monsieur Coué ! Rendes-vous fin mai (et le pire est que ces zozos non seulement n'avoueront pas qu'ils auront tenté de NOUS tromper mais n'oseront même pas avouer qu'ils SE SONT TROMPES eux-mêmes)

  • CES BLD

    Cette bonne vieille méthode Coué...

  • Mjoke

    Le refuge des recalés du suffrage national pour lesquels le parlement européen

    tient lieu de sinécure éminemment lucrative et propice à toutes les petites

    combines politiciennes est aujourd'hui en ébullition !