Les propos ci-dessous ont été recueillis par la Revue d’Economie Financière le 17 décembre 2016 à l’Institut Jacques Delors au moment où Pascal Lamy mettait la dernière main à son ouvrage avec Nicole Gnesotto ("Où va le monde", éditions Odile Jacob, 2017). Il nous expose ici son expérience et son engagement européen, d’abord comme chef de cabinet de Jacques Delors, alors Président de la Commission européenne, puis en tant que Commissaire européen au Commerce dans la Commission Prodi. Il dresse ensuite un état des lieux de l’Union européenne et des principaux défis auxquels elle est aujourd’hui confrontée.
L’engagement européen et les débuts de la Commission Delors (1985-1994)
Jacques Delors a été désigné comme Président de la Commission européenne en juin 1984. Il sortait du gouvernement à l’occasion du remplacement de Pierre Mauroy par Laurent Fabius. J’avais travaillé à son cabinet comme conseiller technique de son cabinet à l'Economie et aux Finances, puis ensuite comme directeur adjoint, avant mon transfert à Matignon en 1983 pour la mise en œuvre du plan de rigueur. Tous mes bons amis à l’époque ont tenté de me dissuader de partir à Bruxelles, faisant valoir que ma carrière administrative serait définitivement compromise. Mais ma famille et moi avions envie de prendre l’air et on a suivi Delors.
“Tous mes bons amis à l’époque ont tenté de me dissuader de partir à Bruxelles, faisant valoir que ma carrière administrative serait définitivement compromise”
Ça s’est fait comme cela… je n’avais rien de spécifiquement européen si ce n’est d’avoir couvert les affaires européennes comme directeur adjoint du cabinet de Premier Ministre avec le conseiller Europe de l’époque, et d'avoir accompagné le Premier ministre à un sommet européen à Stuttgart. A la différence de Delors, j’étais ignare au plan technique et souverainiste au plan idéologique, comme l’administration française de l’époque qui m’avait formé.
Mon arrivée à Bruxelles fut un choc culturel considérable ! Je n’ai connu ensuite d’épreuve similaire, quoi qu’amortie, que quand je suis [...]