Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de 2005 à 2013, président d’honneur de l’Institut Jacques-Delors, Pascal Lamy est un fervent partisan de la construction européenne et du multilatéralisme. Selon lui, le récent sommet du G7 confirme que le monde doit apprendre à faire sans les Etats-Unis.
Quel regard portez-vous sur le dernier G7 et sur la décision a posteriori de Donald Trump de retirer sa signature du communiqué final ?
Cela démontre que Donald Trump est inapte au multilatéralisme. Intellectuellement, c’est trop compliqué pour lui. Il ne comprend que le bilatéral et la logique du bras de fer. Et psychiquement, cet égotiste narcissique ne trouve pas sa place dans une discussion multilatérale. Il doit être au centre du show. Hier au Québec, aujourd’hui à Singapour.
Mais derrière ces méthodes de la téléréalité appliquées à la politique internationale, il y a une cohérence : son objectif est de gagner les élections de mi-mandat, en novembre prochain, qui sont cruciales pour lui ; il doit donc absolument entretenir sa popularité auprès des 35 % d’Américains qui le soutiennent.
Trump peut-il remettre la mondialisation en question ?
La question est en effet de savoir quel impact son attitude aura sur le cours du monde. N’est-il qu’un imprécateur, ou bien est-il un démolisseur ? Je pense qu’il va se heurter à la résilience du capitalisme globalisé. L’interpénétration des technologies et des systèmes de production est devenue telle que le coût de la déglobalisation est désormais très élevé.
La globalisation est, certes, douloureuse pour certains. Parce qu’elle est efficiente. Et donc la déglobalisation serait inefficiente et coûteuse. Le Brexit le prouve. Sortir les Britanniques de l’Union européenne est faisable politiquement mais très pénible économiquement. Le vote du Brexit en juin 2016 a illustré la victoire de la passion politique sur la raison économique. Mais, aujourd’hui, l’économie résiste et le Brexit patine.
L’accord entre Donald Trump et Xi Jinping sur l’entreprise ZTE offre un autre exemple qui illustre la difficulté de casser les chaînes de valeur. Au départ, les Etats-Unis voulaient interdire à cette entreprise chinoise de télécom qui avait contourné l’embargo contre l’Iran et la Corée du Nord de se fournir en composants électroniques américains durant sept ans, ce qui revenait à la condamner à mort. Finalement, le président chinois a convaincu Trump que ce n’était pas faisable et un compromis a été trouvé.
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