POURQUOI C'EST IMPORTANT Qui sera le prochain patron de l'Europe ?

Les grandes manœuvres pour la succession de Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission européenne ont débuté avant même l'élection des eurodéputés. Elles seront le plat de résistance du dîner des dirigeants européen ce soir mardi à Bruxelles.
Le Progrès - 28 mai 2019 à 07:30 | mis à jour le 28 mai 2019 à 07:34 - Temps de lecture :
 | 

Pourquoi c'est important ? Sorte de "Premier ministre de l'Union européenne", le président de la Commission incarne l'intérêt communautaire face au Conseil (chefs d'État et de gouvernement) qui représente la souveraineté des États-membres et la voix de l'Europe dans le monde.

Il s'agit donc d'un poste-clé au sein des institutions européennes, actuellement occupé par le conservateur luxembourgeois Jean-Claude Juncker. Son mandat s'achève en octobre.

Aux yeux de Paris, le patron de l'Europe doit être une personnalité capable d’incarner l’Europe dans le monde et de pouvoir discuter d’égal à égal avec l’Américain Donald Trump ou le Chinois Xi Jinping.

Jean-Claude Juncker, président de la Commission. Photo John THYS/AFP
Jean-Claude Juncker, président de la Commission. Photo John THYS/AFP

Pourquoi on en parle maintenant ? Le mandat de 5 ans du président de la Commission arrive à échéance en octobre après la mise en place en juillet du nouveau Parlement. Le choix du prochain patron de l'Europe sera le plat de résistance du dîner des dirigeants européens ce soir à Bruxelles. Et la soupe à la grimace pourrait être au menu.

Trois prétendants sont officiellement en lice : l’Allemand Manfred Weber (droite), le Néerlandais Frans Timmermans (socialiste) et la Danoise Margrethe Vestager (libéraux), chefs de file des trois formations en tête au Parlement européen. Mais les jeux sont loin d'être faits.

"Le jeu est ouvert. Aucune famille politique n’est suffisamment forte pour que son candidat s’impose. Et les chefs d'État et de gouvernement ont pleinement envie de jouer leur rôle comme le prévoient les traités", prévoit Sébastien Maillard de l’Institut Jacques-Delors.

Comment ça marche ? La nomination du patron de l'exécutif européen est traditionnellement l'objet de difficiles tractations entre les chefs d'État et de gouvernement soucieux d'installer une personnalité de confiance.

Le scrutin de 2014 a marqué une rupture dans cette pratique. Et Le Parti populaire européen (PPE, droite et centre-droit), arrivé nettement en tête (217 sièges) cette année-là face aux sociaux-démocrates (186 élus), avait pu imposer aux 28 dirigeants la désignation du Luxembourgeois Juncker.

Comment cela va se passer en 2019 ?  Cette année, le Parlement de Strasbourg entend bien à nouveau avoir son mot à dire. Seule institution européenne élue au suffrage universel direct, l'hémicycle met en avant la participation en hausse (50,82% en 2019 contre un peu plus de 42% en 2014 et 2009) qui accroît sa légitimité. Il avance aussi un souci de transparence démocratique.

Le PPE, toujours le premier groupe de l'Assemblée malgré son recul (182 élus), a ainsi réclamé dès lundi le poste pour son "spitzenkandidat" (chef de file du groupe, selon le terme allemand souvent usité) : l'Allemand Manfred Weber dont le profil (CSU, aile conservatrice bavaroise de la CDU) divise et surtout n'est pas accepté par le président Macron et par les Néerlandais. 

Manfred Weber. Photo John THYS/AFP
Manfred Weber. Photo John THYS/AFP

Pourquoi cela se complique ?  La fragmentation de l'hémicycle corse la bataille. "Le PPE et les sociaux-démocrates ayant perdu leur majorité pour la première fois depuis 1979, le processus de désignation du patron de la Commission européenne et des principaux postes devrait s’en trouver rebattu", prévoit le spécialiste des questions internationales, François Heisbourg.

Pour obtenir une majorité, ces formations devront s'appuyer sur les écologistes (69 sièges)et les Libéraux (Alde, 109 sièges).  

Une présidente, c'est possible ? Cette recomposition pourrait en revanche faire les affaires de l'Alliance des libéraux, qui pousse la candidature de la commissaire à la Concurrence Margrethe Vestager.

Margrethe Vestager. Photo John THYS/AFP
Margrethe Vestager. Photo John THYS/AFP

"Nous pouvons avoir une femme à la tête de la Commission", a-t-elle lancé dimanche, en plaidant elle aussi pour "une coalition de gens qui veulent changer les choses" après avoir félicité les Verts pour leur ascension.

La Danoise, qui s’est forgé une réputation de dame de fer à Bruxelles, est appréciée par Angela Merkel. Elle pourrait aussi être soutenue par le groupe LREM, à la recherche d'une coalition progressiste dans l'assemblée... Reste à savoir si Paris lui pardonnera son veto, en février, au projet de fusion entre le français Alstom et l'allemand Siemens. 

Et pourquoi pas le Français Michel Barnier ? "Je veux être utile à l'Europe", a fait savoir avant le scrutin le  négociateur en chef du Brexit pour l'UE. Officiellement, le Savoyard, qui ne se présentait pas aux Européennes, n'est pas sur la liste des prétendants à la présidence de la Commission. Il pourrait s'avérer un outsider de poids au moment du choix final.

Michel Barnier, le "non-candidat". Photo ANGELOS TZORTZINIS / AFP
Michel Barnier, le "non-candidat". Photo ANGELOS TZORTZINIS / AFP

 Membre du PPE, deux fois commissaire européen, il a su mener les négociations sur le divorce britannique en maintenant unis les 27 autres partenaires. Le principal blocage à sa nomination viendra du Parlement européen. "Le PPE ne soutiendra pas un candidat qui ne s’est pas présenté avant le scrutin", a averti Manfred Weber. 

À quand le choix final ? Pour s'installer dans le fauteuil de la présidence de la Commission, à Bruxelles, l’élu(e) devra impérativement être adoubé(e) par la majorité des chefs d’État et de gouvernement au sommet des 20-21 juin. Il ou elle devra ensuite obtenir les voix de la majorité des députés européens (376) lors d’un vote prévu au cours de la deuxième session du Parlement à la mi-juillet.

Le siège de la Commission européenne à Bruxelles. Photo C.B.
Le siège de la Commission européenne à Bruxelles. Photo C.B.

Le mercato européen ne fait que commencer

Le mercato européen ne fait que commencer. L'accord sur le prochain président de l'exécutif conditionnera tous les autres.

Les dirigeants européens devront en particulier s'entendre sur la distribution des 27 autres portefeuilles de commissaires qui arrivent à échéance.

Sont également en jeu les mandats de la cheffe de la Diplomatie européenne Federica Mogherini, du président du Conseil Donald Tusk et de la présidence de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi. Acteur de poids de ce mercato, le chef du gouvernement socialiste espagnol Pedro Sanchez pousse son ministre Josep Borell pour le poste de chef de la diplomatie.

Et bien sûr la présidence du Parlement européen de l'Italien Antonio Tajani.

Newsletter. L'essentiel de la semaine
Chaque samedi

Inscrivez-vous à "L'essentiel de la semaine", et retrouvez notre sélection des articles qu"il ne fallait pas rater lors des sept derniers jours.

Désinscription à tout moment. Protection des données