Donald Trump lors d'un meeting de campagne à Nashville le 29 mai 2018

Les taxes américaine sur l'acier et l'aluminium devraient engendrer un risque majeur d'escalade, qui mettrait à bas l'ordre commercial mondial.

afp.com/Nicholas Kamm

La guerre commerciale est enclenchée. Les États-Unis ont augmenté les droits de douane de 25% sur les importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium en provenance de l'Union européenne ainsi que du Canada et du Mexique. Ces taxes supplémentaires constituent une offensive inédite dans l'histoire économique mais aussi diplomatique récente.

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Ottawa a été un des premiers à riposter concrètement en annonçant des taxes sur 16,6 milliards de dollars canadiens (12,8 mds USD) de produits américains. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau s'est emporté contre "un affront au partenariat de sécurité existant de longue date entre le Canada et les Etats-Unis". "Les États-Unis ont été exploités pendant de nombreuses décennies dans le domaine du commerce. Ces jours sont révolus", a répliqué le président américain Donald Trump.

Une décision "illégale" pour Macron

Le Mexique a pour sa part promis des "mesures équivalentes sur divers produits" dont certains aciers, des fruits et des fromages, qui "seront en vigueur tant que le gouvernement américain n'éliminera pas les taxes imposées". Les yeux sont désormais tournés vers l'Union européenne, où la riposte a été d'abord verbale, la Commission européenne devant encore affûter sa réponse concrète.

Cette décision américaine est "une erreur" et elle est "illégale", a signifié le président français Emmanuel Macron au président américain au cours d'un entretien téléphonique. Il lui a également confirmé l'intention de l'Union européenne de riposter "de manière ferme et proportionnée". "Le nationalisme économique, c'est la guerre", avait fustigé avant cet entretien le chef de l'État français.

La chancelière allemande Angela Merkel s'est pour sa part alarmée d'"une escalade qui nuira à tout le monde". L'offensive américaine est aussi un test pour le tandem franco-allemand. La France, au piètre bilan commercial international, a depuis le début adopté un ton plus dur que celui de Berlin, toujours attentif aux intérêts des nombreux champions exportateurs que compte l'Allemagne.

"Les pays de l'Union européenne n'accepteront jamais de négocier sous la pression", a souligné le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire. Le gouvernement allemand a lui promis que la réponse à "l'Amérique d'abord" serait "l'Europe unie".

Le camp de Trump divisé

"Les États-Unis ne nous laissent pas d'autre choix que de porter ce conflit devant l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) et d'imposer des droits de douane supplémentaires à des produits en provenance des USA", a par ailleurs dit le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

En portant les coups les plus durs à l'encontre de leurs alliés, au nom de la sécurité nationale, les États-Unis ont suscité indignation et incompréhension jusqu'au sein du parti républicain du président américain Donald Trump.

"La décision cible les alliés des États-Unis alors que nous devrions travailler avec eux pour nous occuper des pratiques commerciales injustes de pays comme la Chine", a tonné le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan.

Le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross a, lui, minimisé les risques de représailles de la part des pays visés estimant que les importations venant de l'Union européenne représentaient "peu de chose" par rapport au déficit commercial américain (moins de 3 milliards de dollars).

Ripostes et contre-ripostes

Si l'impact économique des taxes américaine sur l'acier et l'aluminium devrait rester relativement limité, le risque majeur est celui d'une escalade, avec ripostes et contre-ripostes, qui mettrait à bas l'ordre commercial mondial.

"Cela frappe d'un droit de douane, de l'ordre de 10 à 20%, six milliards d'euros d'exportations européennes, soit une toute petite partie de l'ensemble du flux, donc gardons les proportions", a estimé Pascal Lamy, ancien directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), vendredi sur France Info. Mais il n'en a pas moins qualifié de "développement très inquiétant" la décision américaine, prise au nom de la "sécurité nationale", une justification selon lui "complètement grotesque".

Signe que le pire est peut-être à venir, dès jeudi,l'Union européenne et le Japon se sont fendus d'un communiqué commun contre un autre projet américain, autrement plus spectaculaire, celui de taxer les importations de voitures. "Si ces mesures à l'étude sont imposées", elles "provoqueraient de sérieuses turbulences", ont prévenu la Commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, et le ministre japonais au Commerce, Hiroshige Seko.

Tous deux ont également estimé qu'une telle initiative américaine pourrait mener à la "disparition du système commercial multilatéral" actuel.

La directrice générale du Fonds monétaire international Christine Lagarde a elle dénoncé jeudi, en marge d'une réunion des grands argentiers du G7 au Canada, une forme "de remise en cause de la manière dont le monde fonctionne" depuis des décennies, basée sur "le principe de la confiance et de la coopération".

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