Marchés financiers : selon Enrico Letta, l’AEMF doit superviser les grands acteurs

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Verena Ross, présidente de l'Autorité européenne des marchés financiers. [EPA-EFE/STEPHANIE LECOCQ]

Dans son rapport qui sera présenté aux dirigeants de l’UE jeudi (18 avril), Enrico Letta indique que l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) devrait commencer à superviser les plus grandes entreprises du secteur financier de l’Union et la création d’un lieu d’introduction en bourse paneuropéen pour les petites et moyennes entreprises (PME).

La version finale du rapport de M. Letta sur le marché unique, consultée par Euractiv, appelle à un renforcement du rôle de l’AEMF, notamment en centralisant la supervision des acteurs les plus importants du marché financier, à l’instar de ce que l’UE a précédemment promulgué pour les plus grandes banques transfrontalières.

Le rapport indique que le système « doit évoluer de la même manière que le mécanisme de surveillance unique du secteur bancaire, dans lequel le Mécanisme de surveillance unique (MSU) de la Banque centrale européenne […] supervise directement les banques importantes, tandis que les superviseurs nationaux gèrent celles qui le sont moins ».

Le rapport précise qu’« une AEMF renforcée […] pourrait assumer davantage de responsabilités en matière de surveillance des grandes entités sur la base de critères tels que la taille, les activités transfrontalières et l’importance systémique, en englobant les plateformes de négociation, les émetteurs, les gestionnaires d’actifs et d’autres acteurs des marchés financiers ».

L’évolution vers une supervision centralisée des marchés marquerait une avancée substantielle dans la stratégie de l’UE visant à intégrer ses marchés de capitaux. En effet, le projet d’union des marchés de capitaux (UMC), vieux de dix ans, n’a pas abouti à des innovations politiques majeures, en dehors des ajustements mineurs apportés aux règlementations existantes.

Les désaccords politiques entre les États membres ont en effet empêché tout progrès sur les points les plus complexes du dossier. Parmi ceux-ci, la supervision du marché s’est avérée la plus controversée, les négociateurs du Conseil de l’UE se tenant à l’écart des propositions visant à centraliser explicitement la supervision et se concentrant plutôt sur la convergence et l’harmonisation.

Ceci est principalement dû au fait que les États craignent un affaiblissement de leur influence nationale. Un diplomate de l’UE a déclaré à Euractiv que 12 États membres ont jusqu’à présent émis des objections, le plus farouche opposant à cette idée de supervision du marché par l’AEMF étant l’Allemagne — qui s’inquiète que la France soit favorisée, l’autorité étant basée à Paris.

Une approche progressive et fondée sur le risque : les marchés boursiers d’abord

Le caractère audacieux des propositions du rapport d’Enrico Letta était déjà apparu dans l’introduction de son document qui avait fait l’objet d’une fuite lundi.

L’ancien Premier ministre italien propose toutefois une approche nuancée de l’intégration du cadre de surveillance de l’Union européenne, qui pourrait faire l’objet d’un consensus plus large lorsqu’il la présentera lors du Conseil   »Compétitivité » de l’UE, qui se tiendra jeudi.

« La mise en place d’une autorité de surveillance unique et centralisée dans l’UE à ce stade pourrait être prématurée, car elle risquerait de négliger les avantages de la proximité avec les divers marchés financiers et économies locales au sein de l’UE .»

« Le renforcement progressif des pouvoirs de surveillance directe de l’AEMF » pourrait se faire de deux manières.

La première, selon M. Letta, consisterait uniquement à transférer la surveillance « des marchés les plus intégrés ou des acteurs importants du marché […], en particulier lorsque la surveillance s’avère plus efficace à un niveau supranational, comme c’est le cas pour les marchés d’actions ».

Dans un second scénario, la Commission européenne pourrait « évaluer l’intégration du marché pour chaque directive ou règlement […] afin de déterminer où l’efficacité de la supervision est la plus avantageuse », note le rapport. L’exécutif pourrait ensuite « suggèrer un transfert de données à l’AEMF chaque fois » que ces types de législation font l’objet d’un réexamen.

À l’inverse, lorsque l’intégration des marchés est moins prononcée, des pratiques harmonisées et une reconnaissance mutuelle entre les superviseurs nationaux « devraient suffire à garantir l’efficacité ».

Un « point d’accès » aux introductions en bourse pour les PME

Selon une autre proposition avancée par M. Letta, l’AEMF gérerait la mise en place d’un cadre règlementaire pour un « point d’accès à l’introduction en bourse » au niveau de l’UE, conçu exclusivement pour les petites et moyennes entreprises, c’est-à-dire un lieu de cotation spécialisé pour ces entreprises qui faciliterait leur première incursion sur les marchés des capitaux.

Dans ce point d’accès ad hoc à l’introduction en bourse, les PME se verraient accorder des conditions d’admission simplifiées « proportionnelles à leur ancienneté, à leur taille et à la structure de leur actionnariat » avant de passer à la bourse de l’UE de leur choix, précise le rapport.

Dans ce scénario, les bourses seraient appelées à collaborer pour « mettre en commun leurs segments de petite et moyenne taille », et l’AEMF superviserait leur « entreprise commune ».


Sarantis Michalopoulos a contribué à la rédaction de cet article.

Pour rivaliser avec les États-Unis et la Chine, l’UE doit opérer un « changement radical », selon Mario Draghi

L’Europe doit opérer un « changement radical » pour rester compétitive face à la Chine et aux États-Unis, deux acteurs qui refusent de « respecter les règles » du commerce international, a déclaré Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne, mardi (16 avril).

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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