La "Communauté politique européenne" est lancée: 44 dirigeants du continent se sont retrouvés jeudi à Prague dans un format inédit qui souligne l'isolement de Vladimir Poutine sept mois après le début de l'offensive russe en Ukraine.

"C'est d'abord un message d'unité de notre Europe", s'est félicité le président français Emmanuel Macron qui avait lancé cette idée en mai. Il a rappelé que la "CPE" était un rassemblement beaucoup plus large que l'Union européenne avec 17 pays invités en plus des 27 membres du bloc.

Le chancelier allemand Olaf Scholz a de son côté salué une "grande innovation".

La nouvelle structure suscite cependant encore de nombreuses interrogations sur ses contours, son rôle exact et surtout sa pérennité.

La "photo de famille", prise dans l'imposant château de Prague qui domine la vieille ville, visait à marquer les esprits et afficher la solidarité au moment où l'Europe redoute, à l'approche de l'hiver, une crise énergétique sans précédent en raison de la guerre en Ukraine.

Au programme de ce premier sommet: des groupes de travail, un dîner, mais pas de déclaration finale.

L'intervention de Volodymyr Zelensky, au début de la réunion, a été un moment de "gravité", a confié un responsable européen.

Le président ukrainien est intervenu en visio-conférence et a demandé de "punir l'agresseur" russe et "d'empêcher ses chars "d'aller à Varsovie ou Prague".

"La réunion se déroule bien. Personne ne remet en question le concept, mais plusieurs questions vont devoir être tranchées au cours du diner", a souligné le responsable européen. "Il va falloir définir le projet et ses participants. Le format pourrait s'agrandir ou se réduire".

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Le président français Emmanuel Macron et le président du Conseil européen Charles Michel se saluent à l'ouverture du sommet de la Communauté politique européenne le 6 octobre 2022 à Prague / © AFP

Derrière ce nouvel acronyme, on trouve des tensions latentes et des pays aux trajectoires radicalement différentes vis-à-vis de l'UE: Norvège, Ukraine, Suisse, Turquie, Royaume-Uni, Moldavie, Serbie, Azerbaïdjan... Quel dénominateur commun entre des candidats déclarés (et impatients) à l'adhésion, des pays qui savent que la porte leur est fermée pour longtemps et le Royaume-Uni, qui a choisi il y a six ans de quitter l'UE avec fracas?

La CPE s'inscrira-t-elle dans la durée ou rejoindra-t-elle la longue liste des projets sans lendemain sur le continent, à l'image de la Confédération européenne proposée en 1989 par François Mitterrand?

Ne risque-t-elle pas, enfin, de devenir une antichambre dans laquelle les candidats à l'adhésion seront contraints de patienter éternellement?

Pour la France, il s'agit d'un "complément" et non d'une "alternative" au processus d'adhésion à l'UE.

EN MOLDAVIE EN 2023

Mettant en avant la nécessité de bâtir une "stratégie commune" et de garder en tête la "solidarité européenne", M. Macron a évoqué, dans une formule iconoclaste, sa volonté de bâtir une "intimité stratégique" entre les pays présents, qu'ils soient membres ou non de l'Union européenne.

Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, s'est félicité que 44 dirigeants se rassemblent "pour voir comment construire une nouvelle structure de sécurité en Europe".

"Cela doit se faire sans la Russie, non pas parce que nous ne voulons pas que la Russie fasse partie de l'Euope, mais parce que la Russie de Poutine s'est mise elle-même en dehors de la communauté européenne".

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La Première ministre britannique Liz Truss arrive au sommet de la Communauté politique européenne le 6 octobre 2022 à Prague / © AFP

Six ans après le vote en faveur du Brexit, les moindres faits et gestes de la nouvelle Première ministre britannique Liz Truss, ont été scrutés avec attention. Interrogée sur la nature de ses relations avec Emmanul Macron avant une rencontre bilatérale avec ce dernier, Mme Truss a affirmé que c'était "un ami".

Fin août, lors d'une réunion électorale du parti conservateur, elle avait refusé de trancher sur la question de savoir s'il était "ami ou ennemi".

A un moment extrêmement difficile dans son propre pays, la réunion de Prague peut lui permettre de trouver "une posture internationale, une forme d'influence sur le continent", a expliqué à l'AFP Elvire Fabry, de l'Institut Jacques Delors.

Les organisateurs du sommet espèrent pouvoir annoncer des projets de coopération concrets, en particulier sur l'énergie, à l'issue de la réunion.

De l'avis général, la prochaine réunion devrait se tenir en 2023 en Moldavie, a indiqué le responsable européen.

L'Espagne, puis le Royaume-Uni, devraient suivre, mais "ce n'est pas encore agréé", a t-il précisé.