Personne ne s’attendait à ce qu’Emmanuel Macron, à peine réélu, emboîte ainsi le pas de son lointain prédécesseur, François Mitterrand. Le chef de l’Etat a repris à son compte, lundi 9 mai, à Strasbourg, l’idée d’une confédération européenne, lancée en vain, en décembre 1989, par l’ancien président socialiste. Il s’agit d’envoyer un signal aux pays candidats à l’Union européenne, à commencer par l’Ukraine en guerre contre la Russie. « Soyons clairs, l’Union européenne ne peut pas être le seul moyen de structurer le continent européen. Il nous faut très clairement trouver la voie pour penser notre Europe et ouvrir une réflexion historique sur l’avenir de notre continent », a justifié M. Macron.
Le président de l’Institut Jacques-Delors, Enrico Letta, également chef du Parti démocrate italien, préparait le terrain ces dernières semaines, avec l’aval discret de Mario Draghi, le président du conseil italien. A leurs yeux, comme à ceux de M. Macron, cette « communauté politique européenne » pourrait permettre de répondre aux aspirations ukrainiennes, moldaves et géorgiennes, mais aussi à celles des Etats des Balkans occidentaux, que l’agression russe contre l’Ukraine a fortement renforcées. Le chancelier allemand Olaf Scholz a qualifié l’idée de « très intéressante », sans décourager d’éventuelles adhésions pleines et entières à l’Union européenne.
« Une grande idée »
Le contexte du moment n’est toutefois pas comparable avec celui de la fin de la guerre froide : le président socialiste avait lancé son idée un peu plus d’un mois après la chute du mur de Berlin, période d’euphorie continentale, qui allait précipiter la dislocation du bloc de l’Est et entraîner la réunification rapide de l’Allemagne. Dans son esprit, l’URSS moribonde, présidée par Mikhaïl Gorbatchev jusqu’à son démantèlement en 1991, avait vocation à participer à cette confédération, contre l’avis des Etats-Unis et d’une bonne partie des Etats d’Europe centrale et orientale, soucieux, en pleine période révolutionnaire, de se débarrasser du joug soviétique. Depuis Prague, tout juste élu à la présidence de ce qui était encore la Tchécoslovaquie, à l’issue de la « révolution de velours », l’écrivain Vaclav Havel avait mené la fronde contre ce projet. La République tchèque, comme la Pologne ou la Hongrie, allait mettre plus de quinze ans à rejoindre la communauté européenne, en 2004.
Désormais, la guerre et son cortège d’horreurs sont de retour en Europe, du fait de la Russie de Vladimir Poutine, avec qui l’affrontement risque de durer, même si les armes devaient se taire, un jour, en Ukraine. Il n’est donc pas question de laisser Moscou entrer dans la future « communauté », réservée aux seules démocraties européennes. « Reformulée, cela reste une grande idée, compliquée à mettre en œuvre, mais stratégique », estime Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères. En décembre 1989, l’ancien conseiller diplomatique de François Mitterrand était porte-parole de l’Elysée.
La discussion ne sera pas facile, tant les Etats d’Europe centrale et orientale plaident en faveur de l’adhésion rapide de Kiev. Personne ne sait non plus ce que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, pense de la formule. M. Macron a dit vouloir prendre son « bâton de pèlerin » pour convaincre des vertus du projet, sans annoncer pour autant qu’il se rendrait dans la capitale ukrainienne.
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