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Après la Hongrie et la Slovaquie, la peur d'une dérive « illibérale » en Europe de l'Est

L'émergence de gouvernements qui ne respectent plus les valeurs d'Etat de droit en Europe centrale inquiète au sein des Vingt-Sept. D'autant que certains d'entre eux entretiennent un discours ambigu sur le soutien à l'Ukraine.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban (à gauche) et son homologue slovaque Robert Fico. Les deux leaders détonnent dans le consensus pro-ukrainien qui règne à la table du Conseil européen.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban (à gauche) et son homologue slovaque Robert Fico. Les deux leaders détonnent dans le consensus pro-ukrainien qui règne à la table du Conseil européen. (Ludovic MARIN/AFP)

Par Vincent Collen

Publié le 1 mai 2024 à 14:36

Si l'intégration économique des anciens pays de l'Est est une source de satisfaction pour les leaders de l'Union européenne, il n'en va pas de même sur le plan politique et diplomatique. Le virage « illibéral » revendiqué par la Hongrie de Viktor Orban inquiète d'autant plus, à Bruxelles et dans les capitales européennes, qu'il risque de s'étendre à d'autres démocraties d'Europe centrale et orientale qui ont rejoint l'Union il y a vingt ans.

L'année 2023 en a été l'illustration. En Pologne, les électeurs ont mis fin à huit ans de gouvernement du PiS, le parti nationaliste ultra-conservateur qui multipliait les sujets de conflits à la table des Vingt-Sept. Soulagement à Bruxelles, à Paris, à Berlin . Mais au même moment, les Slovaques portaient à la tête du gouvernement Robert Fico, qui a glissé en quelques années de la social-démocratie vers un populisme teinté de nationalisme et de conservatisme .

Réformes de la justice

Comme son homologue hongrois Viktor Orban, Robert Fico s'est démarqué avec des prises de position hostiles à l'aide à l'Ukraine. Ses réformes judiciaires et sa volonté de réduire l'indépendance des médias audiovisuels publics laissent craindre que Bratislava prenne la même direction que Budapest.

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« Il y a des similitudes entre les deux Premiers ministres, mais Viktor Orban est dans une position beaucoup plus forte que Robert Fico pour l'instant », décrypte Lukas Macek, de l'institut Jacques-Delors. Le leader hongrois règne sans partage sur le parlement où son parti, le Fidesz, jouit de la majorité absolue depuis près de quinze ans. En Slovaquie au contraire, Fico gouverne une coalition beaucoup plus fragile.

Respect du suffrage universel

L'émergence de ces leaders pose de nouvelles questions au sein des Vingt-Sept. D'abord parce que l'Union européenne décide de les sanctionner pour manquement aux principes de l'Etat de droit. Depuis peu, Bruxelles peut même geler les fonds européens à destination de ces pays, comme elle l'a fait pour la Pologne et la Hongrie. « Cela pose la question du droit de l'Union européenne à dicter ce qui est juste à des pays souverains », analyse Tim Haughton, professeur de sciences politiques à l'université de Birmingham.

« C'est potentiellement un problème, car l'Union européenne doit aussi respecter la souveraineté des pays membres et des gouvernements élus au suffrage universel », reprend Lukas Macek. D'un autre côté, les Vingt-Sept ont des exigences très strictes en matière d'Etat de droit vis-à-vis des pays candidats à l'Union comme les Etats des Balkans occidentaux ou l'Ukraine. Une position difficile à soutenir si des Etats eux-mêmes membres de l'UE ne respectent plus ces mêmes règles.

Tchéquie, Croatie, Bulgarie…

La guerre en Ukraine aggrave la situation, car la Hongrie comme la Slovaquie défendent des positions hostiles à Kiev, voire favorables à Moscou. Viktor Orban a toujours fini par voter les sanctions contre le Kremlin, les mesures d'aide à l'Ukraine et même l'ouverture des négociations avec Kiev en vue d'une adhésion à l'Union européenne. En sera-t-il de même s'il est soutenu par d'autres Etats membres, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent ?

Après la Slovaquie, les regards se tournent vers la Tchéquie, où se tiennent des élections législatives l'an prochain. Andrej Babis , un autre leader populiste au discours ambigu sur l'Ukraine, prépare lui aussi son retour au pouvoir. En Croatie, les récentes élections ont montré qu'une bonne partie de la population soutenait l'ancien Premier ministre Zoran Milanovic, qui ne veut pas que son pays soit « entraîné » dans le conflit ukrainien. Des partis plus ou moins pro-russes sont également puissants en Bulgarie , un pays miné par l'instabilité politique et des élections à répétition.

Vincent Collen

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