L'Allemande Ursula von der Leyen, élue à la tête de la Commission européenne, le 16 juillet 2019 à Strasbourg

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, mise sur un "Pacte vert" qu'elle annoncera dans les prochains mois.

afp.com/FREDERICK FLORIN

L'économiste Eulalia Rubio, chercheuse à l'Institut Jacques-Delors, détaille l'enjeu budgétaire de l'impératif écologique à l'échelle de l'UE.

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L'Express : L'Union européenne ne dispose pas d'un budget spécifiquement consacré au climat. Pourquoi ?

Eulalia Rubio : Parce que la question environnementale est transversale. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut changer l'ensemble des infrastructures, la manière de produire, de bouger. L'énergie, le transport, l'agriculture, tous les secteurs sont concernés. C'est la raison pour laquelle l'UE s'est fixé, en 2014, des objectifs en matière d'intégration climatique. Jusqu'en 2020, ces derniers imposent que 20 % de toutes les dépenses publiques européennes soient consacrés au climat. Cet objectif se décline différemment selon les programmes : dans la recherche, par exemple, ce pourcentage monte à 35 %.

Beaucoup, de Greenpeace à Emmanuel Macron en passant par Yannick Jadot, d'Europe Ecologie-Les Verts, souhaiteraient que cette part allouée à l'environnement augmente sensiblement. Est-ce envisageable ?

Le sujet est bien à l'agenda des négociations actuelles à Bruxelles. La Commission précédente avait déjà suggéré de revoir à la hausse cet objectif d'intégration climatique en fixant un pourcentage de 25 % pour la prochaine programmation budgétaire [2021-2027], mais le consensus est loin d'être acquis. La Pologne, par exemple, n'y est pas très favorable, car son économie repose sur de nombreuses industries polluantes. Or les deux tiers de ses investissements publics proviennent des fonds structurels. Un changement budgétaire de l'UE obligerait ce pays à changer radicalement sa politique d'investissement. Il faut voir ce que proposera à son tour la nouvelle présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

Devant l'urgence, ne faut-il pas également amplifier le volume total du budget européen, afin d'accroître sa capacité de financement de programmes "verts" ?

Certains Etats membres, comme l'Allemagne ou les Pays-Bas, ne veulent pas en entendre parler : ils verront déjà augmenter leur contribution au budget avec le Brexit, pour combler la perte de la contribution britannique, il n'est pas question pour eux d'aller plus loin.

Le climatologue Jean Jouzel et l'économiste Pierre Larrouturou militent en faveur d'une banque du climat. Ont-ils des chances de se faire entendre ?

N'oublions pas que l'UE a déjà la Banque européenne d'investissement [BEI]. Il est plus logique de partir de cette entité pour avancer, comme l'a proposé Ursula von der Leyen dans le "pacte vert" qu'elle annoncera dans les cent premiers jours de son mandat, et qui comporte par ailleurs l'instauration de la taxe carbone aux frontières ainsi qu'un plan d'investissement. La BEI, contrôlée par les Etats membres, concède environ 50 milliards de prêts par an, dont 25 % pour des projets en faveur du climat. L'ambition de la nouvelle présidente est de doubler ce volume.

Autre piste de plus en plus fréquemment avancée : sortir les dépenses d'investissements écologiques du cadre réglementaire très contraignant des 3% maximum de déficit public...

Il y a longtemps que cette règle est, en elle-même, l'objet de débats. Les Etats du Nord souhaitent un renforcement de la contrainte, ceux du Sud, davantage de flexibilité. L'idée commence à être débattue au sein des institutions européennes, et la question environnementale, en effet, est comprise dans la réflexion.

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