Comment sauver les vacances d’été ? La Commission européenne a son idée. Elle compte présenter, mercredi 17 mars, un projet de règlement en vue d’instaurer un « certificat européen vert » pour faciliter les déplacements au sein de l’Union européenne (UE). « Il sera soit sous forme électronique, soit papier » et indiquera « qu’une personne a été vaccinée contre le Covid-19, qu’elle a guéri ou qu’elle a reçu un résultat négatif au test », a indiqué dimanche 14 mars Thierry Breton, commissaire au marché intérieur.

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Or avec ce projet sensible, tant politiquement que techniquement, l’exécutif européen marche sur des œufs. L’idée d’une certification a émergé fin 2020, lorsque certains États ont commencé à conditionner l’entrée sur leur territoire à la présentation d’un test négatif.

Un certificat vaccinal pour l’été ?

Dès la mi-janvier, le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a plaidé en faveur de « passeports vaccinaux » afin de sauver la saison estivale hellénique. Les pays touristiques comme l’Espagne, l’Italie, Chypre ou la Croatie sont aussi pour. L’Autrichien Sebastian Kurz est également persuadé que cette solution rimera avec « le retour à la normalité ». Pour le premier ministre portugais António Costa, « c’est ce qui garantira que toute personne puisse entrer au Portugal sans être soumise à une quarantaine ».

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Il espère un certificat vaccinal pour l’été. « On travaille pour que ce soit fait avant juin », a promis Thierry Breton. La perspective d’un « retour à la normale » semble malgré tout bien lointaine alors que l’Italie se reconfine et que le laboratoire AstraZeneca a annoncé de nouveaux retards de livraison

Certificat européen vert

La Commission veut malgré tout avancer. Dans ses couloirs, plus question de parler de « passeport vaccinal ». Le terme - plus policé - de « certificat européen vert » lui est préféré. L’idée initiale d’introduire un document ne s’intéressant qu’à la vaccination a en effet provoqué une levée de boucliers, en provenance de Paris notamment. Depuis le début d’année, durant chaque visioconférence des Vingt-Sept, Emmanuel Macron a rappelé à ses homologues qu’un tel outil serait discriminatoire.

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La ministre des affaires étrangères belge Sophie Wilmès n’en démord pas non plus : « Pas question de lier la vaccination à la liberté de se déplacer en Europe. » La Commission espère convaincre en ne se focalisant pas uniquement sur la vaccination, mais aussi sur les tests et les guérisons.

Ce projet ne résoudra pas tout

Les États et le Parlement européen négocieront ce texte. L’Eurodéputée Nathalie Colin-Oesterlé (Parti populaire européen) considère cet outil comme « très ambitieux », mais admet ne pas être « sûre qu’il soit possible de le mettre en place très vite, du moins tant que l’ensemble de la population qui souhaite se faire vacciner n’a pas eu accès aux doses ».

« Il ne faut pas placer d’attentes excessives dans ce projet : il ne résoudra pas tout », met en garde Isabelle Marchais, spécialiste de la santé à l’Institut Jacques Delors. Il faut le voir « comme une clef pour améliorer la situation actuelle et permettre aux Européens d’apporter plus facilement les preuves réclamées par les États pour traverser les frontières ».

Vives discussions à venir

En plus de préserver le principe de non-discrimination, la Commission devra aussi garantir le « respect absolu des données personnelles et du secret médical », ajoute l’experte, qui espère une « solution technique suffisamment stable, sans échanges de données entre États membres ». Elle s’attend aussi à de vives discussions sur la place à accorder aux vaccins non homologués par l’UE mais qui peuvent malgré tout y être utilisés (la Hongrie utilise par exemple les doses russes et chinoises) ou sur la « reconnaissance », en Europe, de certificats émis par des pays tiers.

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Et si le texte finit par être adopté, « il faudra voir comment les États vont l’utiliser : seulement pour faciliter le passage des frontières, ou aussi pour aller au cinéma, au théâtre ou au restaurant ? », s’interroge Isabelle Marchais, qui conclut : « Rien ne dit que les pays en feront un usage harmonisé. »