Le Royaume-Uni continue de souffler le chaud et le froid alors que les négociations pour un accord post-Brexit entrent dans leur phase finale. Après avoir brandi la menace d’un retour des frontières avec l’Irlande du Nord envers et contre l’accord conclu en janvier avec les Européens, le voilà qui rétropédale. Mardi 8 décembre 2020, les deux partis ont convenu d’un « accord de principe » sur les dispositions douanières spécifiques à l’Irlande du Nord.

Londres a promis de retirer les articles d’un projet de loi décrié, condition imposée par Bruxelles pour pouvoir poursuivre des négociations déjà mal en point à trois semaines de l’échéance du 31 décembre qui marque la fin de la période de transition vers le Brexit.

Un soulagement pour le chef de la diplomatie irlandaise, Simon Coveney : « J’espère que c’est un signe que le Royaume-Uni est d’humeur à aller à un accord et que l’élan va se poursuivre dans les négociations sur la relation future. » Un bras tendu aussi vers la future administration américaine qui avait déjà prévenu qu’elle conditionnerait un futur accord commercial avec le Royaume-Uni «au respect de l’accord [du Vendredi Saint de 1998 entre les deux Irlande, NDLR] ».

Effet d’annonce et fausse concession ?

Fort de ce qui apparaît comme une concession aux Européens, le premier ministre britannique Boris Johnson est prêt, pour son tête à tête avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen mercredi soir, à montrer patte blanche. Deux jours après un – énième – échange téléphonique infructueux.

Alors, bonne volonté ou tactique politicienne pour arracher des concessions à Bruxelles ? Boris Johnson est un habitué des coups de théâtre. « Il joue la montre comme il l’avait fait l’année dernière à la même époque pour l’accord de retrait conclu avec l’Union européenne. Il se met en scène comme maître du jeu pour pouvoir, à terme, présenter une victoire personnelle », analyse la chercheuse senior à l’Institut Jacques-Delors et spécialiste du Brexit, Elvire Fabry.

« On est dans du bluff », appuie Jean-Sylvestre Montgrenier, chercheur à l’institut Thomas More.« Chacun tient ses positions et les dénoue le plus tardivement. On attend jusqu’à la dernière minute pour voir qui va lâcher le premier. » Depuis plusieurs mois, les tensions se sont cristallisées autour de trois questions qui, elles, n’ont toujours pas trouvé de réponses : l’accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques, l’arbitrage futur des différends et les conditions de concurrence équitables.

Diviser pour mieux négocier

Malgré son « optimisme » face à l’issue des négociations, Boris Johnson a admis que « la situation en ce moment est délicate ». Car le temps presse. Jeudi, les Vingt-Sept se réunissent pour un sommet dans lequel le Brexit devrait tenir une place de choix. Britanniques et Européens doivent convenir d’un accord rapidement s’ils veulent avoir le temps de le faire ratifier par leurs parlements respectifs avant la date butoir.

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Or aucun ne semble vouloir lâcher du lest. La position du premier ministre britannique, malgré ce dernier pas vers Bruxelles, semble elle aussi pour le moins ambiguë. « Est-il en train de se mettre en scène pour dire qu’il tend la main vers les Européens et ensuite reporter la responsabilité d’un "no deal" sur eux ?, s’interroge Elvire Fabry. Il essaye de jouer la division là où Ursula von der Leyen a réagi en maintenant la cohésion. » Malgré une volonté française unilatérale d’opposer son veto en cas d’un accord « trop défavorable » aux pêcheurs, l’UE est parvenue à montrer jusque-là un front particulièrement uni face aux velléités britanniques. Elle espère bien obtenir un accord, mais pas « à n’importe quel prix ».