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Europe

Brexit : la course contre la montre de Theresa May pour éviter un "no deal"

La Première ministre britannique consulte aujourd'hui les membres du Parti conservateur et son gouvernement afin d'éviter un divorce non amiable entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Mais à dix jours du conseil européen sa marge de manoeuvre apparaît limitée.        

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MAY CHERCHE DES SOLUTIONS À LA VIOLENCE PAR ARME BLANCHE

La Première ministre britannique Theresa May

POOL New

"Prédire l’issue du Brexit a transformé en singes tous ceux qui s’y sont essayés !", plaisante Robert Shrimsley, chroniqueur au Financial Times. Alors que les 27 chefs d’Etats et de gouvernements européens doivent se réunir le 10 avril prochain, plus personne ne se risque à jouer les oiseaux de mauvais augure, tant les événements récents ont démenti les plus fins experts. Pourtant, après le troisième rejet consécutif par le Parlement britannique, le 30 mars dernier, de l’accord signé entre Theresa May et l’Union européenne, nombre d’exégètes du Brexit et d’hommes politiques semblent se résigner à une sortie de la Grande-Bretagne sans accord le 12 avril. Une telle séparation du Royaume-Uni devient "chaque jour plus probable", a déclaré mardi 2 avril le négociateur de l’Union européenne pour le Brexit, Michel Barnier, au lendemain d’une nouvelle série de votes indicatifs au Parlement britannique.

A quelques jours du sommet européen, c’est toujours l’impasse côté britannique. Le Parlement, qui avait réussi à prendre le contrôle du processus législatif, se montrant incapable de renverser la situation. Jusqu’à présent, les motions qui proposaient soit une rupture plus douce que celle voulue par Theresa May, voire une remise en cause du Brexit, n’ont pas recueilli de majorité à la Chambre des Communes. Mardi 1er avril, l’amendement qui proposait d’arrêter le processus de Brexit en cas d’absence d’accord à deux jours de la date de sortie et celui qui préconisait le maintien du Royaume-Uni au sein du marché unique ("Norvège +" ou "Common Market 2.0"), ont été massivement rejetés par les députés. Bien sûr, la partie n’est pas terminée et certains veulent encore croire que la Chambre des Communes finira par trouver un compromis. Douze voix seulement ont manqué pour l’approbation de la motion en faveur de l’organisation d’un second référendum. Tandis que celle déposée par le conservateur Kenneth Clarke, doyen des Communes et proeuropéen, qui proposait le maintien du pays dans l’Union douanière européenne a été défaite par trois voix seulement. "Mais le problème est toujours le même : il n’y a ni majorité pour un Brexit piloté par les Conservateurs, ni de majorité pour un Brexit dirigé par les Travaillistes", souligne Simon Hix, professeur de Sciences politiques à la London School of Economics. "Soit il doit y avoir un accord entre plusieurs parties, soit nous partons sans accord".

Extrême lassitude des Européens

En plus des divisions au sein du Parlement britannique, Theresa May doit aussi faire face à l’extrême lassitude, pour ne pas dire plus, de ses homologues européens. "Avec nos amis britanniques, nous avons eu beaucoup de patience, mais même la patience s’épuise", a déclaré le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, invité dimanche 31 mars sur le plateau d’une émission sur la chaîne publique italienne Rai 1. "Jusqu’à aujourd’hui, nous savons ce à quoi le Parlement britannique dit non, mais nous ne savons pas à quoi il dit oui", a-t-il ajouté avant les votes du 1er avril. L’eurodéputé Guy Verhofstadt, référent sur le Brexit au Parlement européen, a quant à lui, exhorté les députés britanniques à "trouver un compromis et arrêter ce chaos".

Pour éviter la réalisation du scénario du no deal et obtenir une "extension longue" du Brexit, le gouvernement britannique se doit de présenter des arguments solides lors du conseil européen de la semaine prochaine. Lorsqu’ils ont reçu Theresa May les 21 et 22 mars, les 27 chefs d’Etat et de gouvernements ont été clairs. Si elle n’arrive pas avec des propositions tangibles – comme un nouveau référendum ou des élections législatives anticipées au Royaume-Uni-, sa demande de report sera refusée.

Réunion de crise

Très fragilisée mais toujours en poste, malgré le rejet à trois reprises de son texte, Theresa May consulte aujourd'hui les membres du Parti conservateur et son gouvernement afin d'éviter une sortie du Royaume-Uni sans accord. La Première ministre britannique ne désespère pas de pouvoir soumettre son deal une quatrième fois au vote des parlementaires britanniques, afin d’éviter in extremis une sortie sans accord le 12 avril. "Cette Assemblée a continuellement rejeté le départ sans accord, tout comme elle a refusé de ne pas partir du tout, a plaidé Steve Barclay, secrétaire d’Etat au Brexit, par conséquent, la seule option est de trouver un moyen légal permettant au Royaume-Uni de partir avec un accord."

Côté européen, la porte n’est pas complètement fermée. "Nous avons toujours dit que nous pouvions accepter une union douanière ou des relations similaires à celles du modèle norvégien", a déclaré Michel Barnier. Autrement dit, pour faire passer son accord avec l’Union européenne, Theresa May pourrait y ajouter un amendement proposant le maintien du Royaume-Uni dans une union douanière avec l’Union européenne. En cas de vote positif, les 27 devraient l’approuver et modifier en conséquence la déclaration politique associée au traité de divorce qui pose les bases des relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Puis Theresa May soumettrait l’ensemble au Parlement britannique. Sur le plan technique, cette solution permettrait d’éviter les droits de douane entre le Royaume-Uni et l’Union européenne et d’alléger une partie des contrôles, ce qui constituerait un moindre mal pour l’industrie britannique et le commerce trans-Manche. Mais l’Union douanière comporte un inconvénient politique majeur aux yeux des partisans d’un Brexit dur. "Elle implique le maintien d’une frontière entre les deux Irlande, ce dont ils ne veulent pas entendre parler", souligne Elvire Fabry, chercheuse à l’Institut Jacques Delors.

Politiquement, Theresa May est plus que jamais sous pression. Plusieurs députés conservateurs ont ainsi publiquement suggéré qu’ils pourraient voter une motion de défiance, même si elle était proposée par le leader de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn. Autre possibilité : déclencher des élections législatives anticipées. Certes, cette solution permettrait sans doute au Royaume-Uni d’obtenir un nouveau report lors de la réunion du Conseil européen du 10 avril prochain. Mais ni les conservateurs, ni le Labour ne semblent prêts à prendre ce risque. Même pour éviter un no deal.

 

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