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Budget européen : les nouvelles ressources propres en péril

La Commission qui devait proposer cette semaine de nouvelles ressources propres pour le budget européen a renvoyé l'annonce à l'automne. Des trois instruments projetés, aucun n'est assuré de voir le jour, ce qui rend hasardeux le remboursement du plan de relance de 750 milliards d'euros.

La taxe sur les plastiques non recyclée doit rapporter 6 milliards au budget européen mais est destinée à disparaître à mesure que le plastique sera plus largement recyclé.
La taxe sur les plastiques non recyclée doit rapporter 6 milliards au budget européen mais est destinée à disparaître à mesure que le plastique sera plus largement recyclé. (Getty Images/fStop)

Par Catherine Chatignoux

Publié le 19 juil. 2021 à 17:11Mis à jour le 19 juil. 2021 à 19:27

Sur le papier, l'exercice paraissait plutôt aisé. Pour rembourser sur trente ans le généreux emprunt de 750 milliards d'euros que les Européens ont émis collectivement pour remettre leurs économies sur pied après la crise du Covid, il fallait dégager de nouvelles ressources financières .

Mais alors que la Commission s'apprêtait à dévoiler, ce mardi, la proposition qui devait concrétiser cette ambition, elle a décidé, lundi, de renvoyer l'annonce à l'automne prochain. Car les obstacles s'élèvent les uns après les autres, au point de mettre en péril tout l'édifice. Et aussi parce que des tensions se font jour au sein de la Commission sur le sujet fiscal.

Il y a d'abord eu le contretemps sur la taxe numérique . L'accord sur la taxation minimale des multinationales dans le cadre de l'OCDE a changé la donne et Washington a fait pression sur les Européens pour qu'ils renoncent à leur propre projet de taxe digitale. Bruxelles a gelé, en principe jusqu'à l'automne, la proposition qu'elle était sur le point d'annoncer et dont elle espérait 2 milliards d'euros de recettes par an. Pour certains, la messe est dite et les Etats-Unis n'accepteront jamais que l'Europe taxe deux fois ses Gafa, a fortiori pour rembourser son emprunt. A Paris, on ne voit de toute façon pas d'un bon oeil cette taxe digitale qui s'apparenterait plus à un impôt sur le commerce en ligne et frapperait largement les entreprises européennes.

Pour d'autres, rien n'est encore joué pour peu que la Commission européenne fasse preuve de courage. Quitte, estime Valérie Hayer, l'eurodéputée spécialiste des questions budgétaire, à demander dès à présent aux Etats membres de s'engager à rediriger une partie des futures recettes de la taxation mondiale vers le budget européen, si aucune taxe européenne ne venait compléter le dispositif (une option qui aurait les faveurs de Bercy). L'Europe en attendait des revenus de 2 milliards par an.

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Risque de représailles

Le fameux ajustement carbone aux frontières que la Commission a présenté le 14 juillet est lui aussi fortement contesté. Moins à l'intérieur de l'Union où les réticences se sont peu à peu estompées à l'égard de ce prélèvement qui doit protéger les entreprises européennes contre le « dumping environnemental » de pays aux normes climatiques moins strictes comme le Brésil, l'Inde ou la Russie.

Les principales critiques proviennent de l'extérieur, des Etats-Unis en particulier qui se sont émus récemment des conséquences d'une telle taxe. « Les Etats Unis n'ont actuellement pas les moyens politiques de faire voter au Congrès un marché carbone équivalent à celui qui existe en Europe, alors ils craignent d'être touchés par cette taxe », explique Thomas Pellerin-Carlin, de l'Institut Jacques Delors. Le projet se heurte donc aux risques de représailles commerciales, de plaintes devant l'Organisation mondiale du commerce si la taxe crée des distorsions aux échanges et à la complexité de mise en oeuvre du dispositif qui doit rapporter 9 milliards d'euros.

Politiquement suicidaire

La troisième ressource propre envisagée, la plus rentable avec environ 10 milliards d'euros de revenus escomptés, est liée à la réforme du marché européen des quotas d'émission que Bruxelles et qui est elle aussi fortement contestée. A l'exception de l'Allemagne, du Danemark et des Pays-Bas, tous les pays de l'Union ainsi que les élus du Parlement européen critiquent cet aspect de la réforme qui élargit le marché européen du carbone au bâtiment et aux transports.

La Commission a beau proposer un fonds d'accompagnement très substantiel pour compenser le renchérissement des prix pour les ménages les plus démunis, l'impact social de ces mesures inquiète. « Ne faites pas l'erreur d'étendre le marché du carbone au chauffage et au carburant, a alerté Pascal Canfin, président de la Commission environnement du Parlement européen. Nous l'avons vécu en France, cela a donné les Gilets Jaunes . C'est politiquement et climatiquement suicidaire » .

Selon lui, cet outil à haut risque social est en outre peu efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il fait aussi valoir que demander aux Français ou aux Polonais de rembourser le plan de relance européen avec une hausse de leur facture de chauffage serait un cadeau en or pour les populistes.

La route est donc semée d'embûches, alors que le Parlement européen comptait sur ces ressources propres dès 2023. Un calendrier qui sera très difficile à tenir. Les premiers remboursements de l'emprunt européen ne doivent cependant intervenir qu'à partir de 2028. Il reste donc un peu de temps pour trouver des compromis. Faute de quoi, les Etats devront puiser dans leurs caisses afin d'abonder directement le budget européen.

Catherine Chatignoux

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