Commerce : à coup d’enquêtes, l’Europe organise la riposte face à la Chine

Des voitures chinoises BYD attendent leur exportation, au port de Yantai (Chine), le 10 janvier 2024. ©AFP - STR
Des voitures chinoises BYD attendent leur exportation, au port de Yantai (Chine), le 10 janvier 2024. ©AFP - STR
Des voitures chinoises BYD attendent leur exportation, au port de Yantai (Chine), le 10 janvier 2024. ©AFP - STR
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La visite de Xi Jinping à Paris rappelle que les relations commerciales sino-européennes se sont tendues ces derniers mois. Bruxelles soupçonne des distorsions de concurrence et lance depuis quelques mois des enquêtes pour répondre aux offensives chinoises.

Fin avril, l’Union Européenne a lancé une enquête sur les marchés publics chinois dans le domaine du matériel médical : Bruxelles estime que ce marché historiquement dominé par des industriels européens est de plus en plus protégé par la Chine, qui leur ferme la porte. Est pointée du doigt la loi chinoise sur les marchés publics, qui inclut des quotas d'achats locaux, mais aussi la stratégie de Xi Jinping baptisée Made in China 2025, et qui impose 70% de matériel hospitalier chinois d'ici cette date.

Cette enquête s'ajoute à deux procédures lancées début avril dans le domaine des panneaux solaires et des éoliennes, injustement subventionnées pour casser leurs coûts et remporter des marchés européens. Le secteur automobile est ciblé depuis l'année dernière pour les mêmes raisons, et devient le symbole de la riposte européenne. Riposte législative, donc : selon Elvire Fabry, chercheuse à la l'Institut Jacques Delors, la Commission a commencé par coordonner les contrôles dès 2020 : “Et elle a voulu compléter sa boîte à outils à un moment où le règlement des différends au niveau de l’OMC avait été bloqué par les Etats-Unis. Il fallait que l’Union européenne se dote d’instruments qui lui permettent de se défendre contre les problèmes de distorsion commerciale, notamment le problème créé par le système de capitalisme d’Etat chinois.

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Ces instruments, ce sont deux textes créés et renforcés depuis deux ans : l'un, le Foreign Subsidies Regulation, porte sur les subventions, et oblige à déclarer, sous peine de sanction, tout soutien public de plus de quatre millions d'euros. L'autre, l’International Procurement Instrument, s’applique aux marchés publics et impose la réciprocité : si un pays ferme les siens, l'Europe peut exclure des entreprises de ses propres marchés publics.

Les conséquences ne se sont pas faites attendre : la compagnie nationale chinoise CRRC a été forcée au retrait, sur un contrat ferroviaire de 600 millions d’euros en Bulgarie ; des droits de douane renforcés sur les voitures électriques chinoises sont aussi annoncés par les 27 pour la fin du printemps.

Modèle chinois en crise

La Chine est particulièrement mise à l’épreuve par ces réglementations, car sa croissance dépend des exportations dans quelques secteurs clés. Wang Wentao, le ministre du commerce chinois, a exprimé sa "très grande inquiétude" en septembre. La Chine, contre toute attente, se met à défendre les principes du libre-échange et dénonce un comportement européen "protectionniste". En cause, la croissance qui peine à repartir après le covid : l'objectif de 5% pourrait être atteint cette année, mais la Chine souffre d'un manque de consommation intérieure.

La classe moyenne chinoise s'est endettée dans le domaine immobilier et a perdu en confiance et en moyens avec l'effondrement de celui-ci. Elle n'achète plus, malgré les exhortations du Parti. Le secteur des services reste aussi structurellement sous-développé. Conséquence, alors qu’elle souhaitait s’appuyer sur son marché intérieur, la Chine doit s'appuyer, encore et plus que jamais, sur les exportations.

Son économie s'est détournée de la finance, de l'immobilier, et des biens de consommation pour investir l'automobile électrique, les batteries et les panneaux solaires. Trois nouveaux piliers dont les exportations ont bondi de 28% en 2023, selon la banque américaine Citi, mais qui devraient ralentir. Les mesures de rétorsion européennes sont donc une très mauvaise nouvelle pour Pékin, qui devra trouver des débouchés ailleurs pour ses voitures et ses panneaux. Peut-être dans les pays du Sud, en verdissant sa stratégie commerciale, dite de la "Route de la soie".

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