Crise ukrainienne : des Russes aux Occidentaux, qui fait quoi ?

Poutine insondable, Biden offensif, Macron et Scholz en médiateurs… Russes et Occidentaux restent engagés, pour l’heure, sur le chemin de la diplomatie même si Moscou ne baisse pas la garde aux portes de l’Ukraine. Voici un tour d’horizon des objectifs et moyens des principaux acteurs dans la crise ukrainienne.

Des militaires ukrainiens en alerte à l’est du pays.
Des militaires ukrainiens en alerte à l’est du pays. (Photo EPA)

  • 1 Vladimir Poutine, la revanche
  • En massant quelque 100 000 hommes et en multipliant les manœuvres aux frontières de l’Ukraine, Vladimir Poutine entend arracher aux Occidentaux des garanties de sécurité pour la Russie et, par ricochet, préserver l’influence russe dans l’ex-espace soviétique.

    « Ce que veut Poutine, c’est arrêter l’élargissement de l’Otan, c’est que la Russie retrouve voix au chapitre sur la sécurité européenne », estime Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe à Moscou.

    Russian President Vladimir Putin speaks during a ceremony to present the highest state decorations at the Kremlin in Moscow on February 2, 2022. (Photo by Sergei KARPUKHIN / POOL / AFP)
    (Photo AFP)

    Le maître du Kremlin est-il prêt, pour cela, à aller jusqu’à une intervention militaire en Ukraine, dont le souhait d’entrer dans l’Otan constitue une ligne rouge absolue pour Moscou ? « La Russie veut soumettre l’Ukraine, une fois pour toutes, (…) la transformer en zone tampon, avec une souveraineté limitée, afin de se protéger contre l’élargissement de l’Otan et ce qu’elle perçoit comme des ingérences étrangères », considère Mathieu Boulègue, expert au centre de réflexion britannique Chatham House.

    Le conflit n’est pas forcément « inévitable », juge toutefois désormais Washington, après s’être montré très alarmiste, fin janvier. Vladimir Poutine a, certes reçu, une fin de non-recevoir des États-Unis et de leurs alliés sur ses deux exigences clé, la fin de la politique d’élargissement de l’Otan et le retrait d’Europe de l’Est des capacités militaires de l’Alliance.

    Cependant, pour Moscou, le seul fait d’avoir amené les Américains à la table des négociations constitue une victoire.

    « La réaction de l’Occident montre que le but du Kremlin a été atteint. Poutine savait bien que son ultimatum (sur ses exigences) était irréaliste. Il voulait juste mettre fin à la situation qui prévalait », analyse Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue Russia in global affairs.

  • 2 Joe Biden, la riposte
  • Le président américain, qui concentrait toute son attention sur la Chine, se retrouve brutalement projeté au cœur d’une confrontation sans précédent avec Moscou depuis la fin de la Guerre froide.

    Mettant à son tour la pression, il promet un « désastre » à la Russie si elle envahit l’Ukraine et martèle que les États-Unis sont « prêts, quoi qu’il arrive ». Outre la menace de sanctions « massives », il a annoncé l’envoi de 3 000 soldats américains en Europe de l’Est tout en se gardant de faire de même en Ukraine.

    US President Joe Biden speaks about the counterterrorism operation in Syria from the Roosevelt Room of the White House in Washington, DC, on February 3, 2022. Biden said Thursday the death of the Isla
    (Photo AFP)

    Cette posture lui permet de « compenser sa faiblesse sur l’échiquier politique interne et ça rassure les pays les plus atlantistes en Europe », notamment de l’Est, estime Cyril Bret, enseignant à Sciences Po Paris et expert à l’Institut européen Jacques Delors.

    « Il y a le sentiment très vif, à Washington, que la puissance américaine, la capacité (de Joe Biden) à gérer une crise sont testées », renchérit Jonathan Eyal, au Royal United Services Institute (RUSI) de Londres.

    Tout en appelant à la désescalade, les États-Unis et l’Otan ont mis des contre-propositions sur la table des négociations en matière de contrôle des armements, qui pourraient aussi intéresser les Russes.

  • 3 Paris et Berlin, les bons offices
  • Emmanuel Macron, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE, multiplie les contacts pour relancer la mise en œuvre des accords de paix de Minsk dans l’est de l’Ukraine, où un conflit entre Kiev et les séparatistes pro russes a fait plus de 13 000 morts depuis 2014. Il a échangé deux fois en trois jours avec Vladimir Poutine, va lui reparler, ainsi qu’à son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, et n’exclut pas de se rendre à Moscou et à Kiev.

    « La Russie ne souhaite pas parler à Bruxelles. En Allemagne, la nouvelle coalition n’a pas encore bien pris ses marques. Donc, Macron est la voix de l’Europe dans le dialogue avec Poutine », résume Tatiana Kastouéva-Jean, experte à l’Institut français de relations internationales (Ifri). « Si les accords de Minsk sont par terre, on n’a plus rien dans l’est de l’Ukraine. Même la Russie en sera atteinte. C’est probablement la raison pour laquelle elle continue à parler à Macron », esquisse-t-elle.

    France's President Emmanuel Macron delivers a speech during a meeting with representatives of families of 1962 repatriates from Algeria at the Elysee palace in Paris, on January 26, 2022. The trauma o
    (Photo AFP)

    Le nouveau chancelier allemand, Olfa Scholz, a jeté le trouble en refusant de livrer des armes à l’Ukraine et en entretenant, un certain temps, le suspense sur le sort du gazoduc Nord Stream 2 en cas d’attaque de l’Ukraine. Mais, depuis, il serre les rangs avec les alliés et doit se rendre à Moscou le 15.

    « C’est bien sûr un problème parce que toutes ces mesures sont censées avoir un effet dissuasif (..) mais l’Allemagne a été centrale dans le consensus sur les sanctions et elle reste le plus gros pays donateur de l’Ukraine », fait observer Sarah Pagung, experte au German Council on Foreign Relations (DGAP).

  • 4 Volodymyr Zelensky, dos au mur
  • Il est plus que jamais à la croisée des chemins, entre impopularité croissante, volonté d’attirer des investisseurs étrangers et incertitude à sa frontière orientale, doublée de celle sur une adhésion de l’Ukraine à l’Otan, qui semble de plus en plus hypothétique. Il a aussi joué la désescalade en appelant au calme toutes les parties.

    ©SERGEY DOLZHENKO/EPA/MAXPPP - epa09722905 Ukrainian President Volodymyr Zelensky speaks during a joint press conference with the prime minister of the Netherlands following their talks in Kiev, Ukrai
    (Photo EPA)

    Il veut « préserver l’État et réduire les risques d’une guerre avec la Russie », résume le politologue ukrainien Volodymyr Fessenko. Il sait aussi que « toute concession significative à la Russie (dans l’est de l’Ukraine) conduira à une crise interne » avec les nationalistes ukrainiens, dit-il.

  • 5 Les séparatistes dans l’ombre de Moscou
  • Denis Pouchiline, élu en 2018 lors d’un scrutin dénoncé par Kiev, dirige la république autoproclamée de Donetsk, qui compte deux millions d’habitants. Leonid Passetchnik est à la tête de l’autre république autoproclamée, celle de Lugansk, et ses 1,5 million d’habitants.

    En vertu des accords de Minsk, Kiev doit accorder un statut spécial aux deux entités, vivement contesté toutefois par les Ukrainiens.

    Les séparatistes, parrainés par la Russie, accusent Kiev d’alimenter les tensions pour obtenir un soutien militaire des Américains et réclament des armes offensives à la Russie. Mais, pour l’instant, la zone reste calme.

    « L’Ukraine attire ainsi l’attention de ses partenaires occidentaux, obtient un certain poids politique et une aide financière », a déclaré la « ministre des Affaires étrangères » de la République de Donetsk, Natalia Nikonorova, à l’AFP.

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