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Histoire d’une notion : la « finlandisation », ou la neutralité obligée

Alignée sur la politique extérieure de l’URSS, la Finlande avait pourtant conservé sa souveraineté jusqu’à la chute de l’Union soviétique. Plusieurs voix se font entendre pour appliquer ce modèle à l’Ukraine et en faire un Etat tampon entre Russie et Occident.

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Publié le 02 février 2022 à 06h00, modifié le 01 mars 2022 à 10h52

Temps de Lecture 4 min.

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Histoire d’une notion. Synonyme de neutralité contrainte et de souveraineté limitée, le mot « finlandisation » garde une connotation pour le moins négative, évoquant l’emprise institutionnalisée d’un puissant voisin sur un petit pays. « Le concept de “finlandisation”  décrivait le processus par lequel l’URSS pourrait prendre le contrôle de la politique extérieure d’un pays européen sans transformation de son régime intérieur (à la différence des démocraties populaires) comme ce fut le cas pour la Finlande après 1945 », explique l’historien Georges-Henri Soutou dans son livre La Guerre froide (Pluriel, 2011).

Oublié après la chute du Mur, le concept revient dans le débat public, brandi comme repoussoir ou, au contraire, comme possible solution à la crise ukrainienne. A droite ou à gauche de la gauche, de nombreuses voix – qui de longue date appellent à entendre les raisons de la Russie – reprennent ouvertement l’idée sans toujours oser le mot. L’hypothèse d’une Ukraine neutre devenant un Etat tampon entre l’Est et l’Ouest séduit des spécialistes des relations internationales comme des diplomates qui y voient un jalon dans la construction d’une nouvelle architecture de sécurité pour le Vieux Continent. A condition, bien sûr, que cela ne se fasse pas sous la menace.

« La finlandisation n’est pas un gros mot et elle fut d’ailleurs un succès. En affirmant après la seconde guerre mondiale sa neutralité et en transformant en choix politique une contrainte imposée par la géographie, la Finlande a réussi à préserver son indépendance et à se faire respecter par les Russes », relève Nicole Gnesotto, autrice de L’Europe : changer ou périr (Tallandier, 320 pages, 20,90 euros) et vice-présidente de l’Institut Jacques Delors soulignant la nécessité « de ne pas s’enfermer dans l’alternative ou l’Ukraine dans l’OTAN ou la guerre ».

Vassalisation

Le réalisme géopolitique interdirait ainsi à l’Ukraine – comme à la Finlande pendant la guerre froide – les adhésions à l’OTAN et à l’Union européenne (UE) pourtant souhaitées par une grande partie de la population. « Objectivement, certains pays sont dans une position dans laquelle l’histoire, la géographie et les équilibres stratégiques autour d’eux imposent des limitations », affirmait dans un entretien au Monde Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue Russia in Global Affairs, qui passe pour défendre des points de vue proches du Kremlin, déplorant que le mot « finlandisation » ait « à tort mauvaise réputation en Occident ».

Avant de devenir un concept à la fin des années 1960, voire un modèle alors que s’amorçait la détente, la « finlandisation » fut d’abord un exercice de pragmatisme politique. Alliée de l’Allemagne nazie pendant la guerre, la Finlande, intégrée à la Russie impériale jusqu’à la révolution de 1917, pouvait craindre pour sa sécurité d’autant que l’Armée rouge avait déjà essayé de l’envahir en 1940 – au prix d’une piteuse défaite. Elle échappa au sort des autres pays d’Europe centrale et orientale grâce à l’habilité de ses dirigeants, à commencer par le président Juho Paasikivi (1946-1956). « Celui-ci était persuadé que l’intérêt de l’URSS pour la Finlande était de nature géopolitique et non pas idéologique », relève Georges-Henri Soutou. Il donna les gages nécessaires. Ses successeurs, et notamment Urho Kekkonen (1956-1982), ont encore accru la vassalisation.

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