"Les ennemis de mes ennemis sont mes amis", affirme un adage issu de l’Inde ancienne. Sauf que, sous le règne de Donald Trump, les choses sont plus compliquées. Eux aussi ciblés par la guerre commerciale lancée par l’Amérique contre le monde entier, les Européens ne doivent pas pour autant se rapprocher aveuglément du principal rival des Etats-Unis : la Chine.
L’urgence, pour les Vingt-Sept, est de trouver la parade aux 20 % de droits de douane annoncés par Washington sur ses importations en provenance d’Europe. Mais, pendant que l’Europe tente de résister à cette tempête, il lui faut aussi se préparer à affronter la vague qui se forme à l’horizon. Privée de débouchés sur le marché américain, la Chine, en proie à un problème de surcapacités de production, va désespérément se tourner vers le seul capable de le remplacer : l’Union européenne.
Un afflux sur le Vieux Continent de produits chinois menacerait des filières entières. "Il pourrait y avoir des dégâts très importants dans des secteurs stratégiques où la Chine est parvenue à des niveaux de productivité et de qualité élevés, comme les technologies vertes, la chimie ou la santé", avertit François Chimits, chercheur à l’institut Merics, à Berlin.
L'UE va devoir se montrer unie, pragmatique et prudente
Fort heureusement, ces dernières années, l’UE s’est dotée d’outils pour se défendre. Lorsque, dès son premier mandat, Donald Trump avait imposé des barrières douanières sur l’acier chinois, l’Europe avait mis en place des mesures antidumping et de "sauvegarde", pour éviter qu’il ne déferle sur son sol. Depuis 2019, les importations de ce matériau sont soumises à des droits de douane additionnels lorsqu’elles dépassent des quotas. L’UE a par ailleurs instauré une surtaxe de 35 % sur les véhicules électriques chinois en 2024, année qui aura vu la Commission ouvrir un nombre d'enquêtes sans précédent contre des produits venus de Chine.
Reste que l’Europe "va devoir faire des choix politiques sur les secteurs à protéger et ceux qui demeureront plus ouverts", poursuit François Chimits. Toute la difficulté va consister à trouver des positions communes, alors que les Etats membres ne sont pas tous menacés de la même manière et dépendent à des degrés divers du marché chinois. Faute d’y parvenir, L’UE pourrait se faire laminer par la concurrence chinoise.
Elle va donc devoir se montrer unie, pragmatique...et prudente. "Même si l’offensive américaine va rapprocher Bruxelles de Pékin, cela n’efface pas les problèmes de fond, comme les subventions publiques accordées par la Chine à ses entreprises, qui faussent le jeu", rappelle Elvire Fabry, de l’institut Jacques-Delors. Surtout, Pékin peut difficilement se prétendre alignée sur les intérêts du Vieux Continent, tout en soutenant la Russie, qui menace la sécurité de l’Europe depuis trois ans.