noir rouge vertDu vent, du soleil, moins de charbon… Une Allemagne plus verte en 2023

Du vent, du soleil, moins de charbon… L’Allemagne, modèle d’une transition écologique réussie ?

noir rouge vertAprès une année 2022 délicate, la transition écologique semble porter (en partie) ses fruits en Allemagne. De quoi nous donner quelques idées ?
Malgré des objectifs élevés, l'Allemagne affiche de bons indicateurs en 2023. Signe d'une transition écologique réussie ?
Malgré des objectifs élevés, l'Allemagne affiche de bons indicateurs en 2023. Signe d'une transition écologique réussie ?  - Michael Probst/AP/SIPA / SIPA
Octave Odola

Octave Odola

L'essentiel

  • Emissions de CO2 au plus bas depuis soixante-dix ans et plus de la moitié de la production d’électricité d’origine renouvelable en 2023, certains indicateurs allemands semblent dessiner une tendance vertueuse à la transition énergétique.
  • Après avoir augmenté son recours au charbon en 2022, Berlin a abaissé son recours à cette énergie polluante.
  • Ces constats permettent-ils de juger la transition énergétique allemande comme positive ? La France doit-elle s’inspirer de son voisin ? Éléments de réponse avec Camille Defard, cheffe du centre énergie de l’institut Jacques-Delors et Jacques-Pierre Gougeon, professeur d’université, directeur de l’observatoire de l’Allemagne à l’IRIS.

Quand on ne croit ni à l’astrologie, ni aux remises en question ou aux bonnes résolutions, la première semaine de l’année peut vite prendre le goût familier de toutes celles qui vont suivre : la routine. Avec, il faut tout de même le reconnaître, un côté pratique : elle permet de faire le bilan de l’année passée. En Allemagne, les premiers jours de 2024 ont apporté leur lot de nouvelles réjouissantes. La première puissance industrielle d’Europe a affiché en 2023 un taux d’émissions de CO2 de 673 millions de tonnes, soit son plus bas niveau depuis les années 1950, selon une étude du groupe d’experts Agora Energiewende.

De quoi se réjouir d’une transition écologique réussie ? L’heure n’est pas encore à la célébration, tempère Camille Defard, cheffe du centre énergie de l’institut Jacques-Delors. « Le rapport fait un constat plus nuancé. Il est montré que l’origine de la baisse des émissions n’est due aux politiques écologiques (déploiement des énergies renouvelables, efficacité énergétique, sobriété) qu’à hauteur de 15 %. Une bonne partie de la baisse est à attribuer à une chute de la demande en électricité des industries énergo-intensives. »

Une année 2022 délicate marquée par la dépendance au gaz russe

Autre raison de cette baisse de CO2, selon le groupe d’experts : une « forte diminution de la production d’électricité à partir du charbon ». Avec une volonté politique affichée de fermeture des centrales à charbon en 2038, Berlin a baissé la voilure : la part du combustible s’est abaissée à 26 % en l’an dernier contre 36 % en 2022. « Sortir du charbon avant de sortir du nucléaire aurait été une meilleure solution d’un point de vue carbone, juge notre experte. Mais les Allemands ont accompli de réels efforts pour baisser la production. L’énergie éolienne produit plus que le charbon, les courbes sont en train de se croiser. »

Une conjoncture qui repart sur une spirale positive, après une année 2022 rendue délicate par le déclenchement de la guerre en Ukraine et la dépendance russe. « Berlin avait dû augmenter sa production de charbon pour faire face, c’est une année à mettre entre parenthèses », rappelle Jacques-Pierre Gougeon, professeur d’université, directeur de l’observatoire de l’Allemagne à l’Iris et auteur du livre L’Allemagne, un enjeu pour l’Europe (éditions Eyrolles), à paraître ce mois-ci.

Pour l’expert, les bons résultats de Berlin sont le fruit d’une volonté politique : « le concept d’économie sociale et écologique était une priorité de la coalition au pouvoir en 2021. L’analyse du personnel politique, c’est de dire qu’il n’y aurait pas pu avoir de tels résultats sans une intervention de l’État fédéral. »

« Deux secteurs n’arrivent pas à baisser leurs émissions en Allemagne et en France »

Certes, l’Allemagne a importé plus d’électricité en 2023. Mais pour la première fois de son histoire, le géant européen a produit plus de la moitié d’énergies renouvelables (55 %) pour ses besoins en électricité. Une montée en puissance avec un objectif ambitieux d’obtenir 80 % d’électricité d’origine renouvelable en 2030, et une feuille de route dont la France pourrait s’inspirer, selon Camille Defard. « L’Allemagne a réussi à développer du solaire et de l’éolien en très peu de temps. Ça montre que ce déploiement massif est possible, rentable, et bon pour la sécurité énergétique du pays. »

« D’ici 2032, chaque Land doit consacrer au moins 2 % de sa surface aux éoliennes, contre environ 0,5 % avant. Le plan de bataille est très ambitieux, il va falloir que le pays maintienne son accélération », projette, pour sa part, Jacques-Pierre Gougeon.

Tout sur la transition énergétique

Mais mettre les bouchées triples sur l’énergie renouvelable ne devra tout de même pas détourner Berlin d’autres chantiers polluants, moins médiatiques que le charbon. « Deux secteurs n’arrivent pas à baisser leurs émissions en Allemagne et en France : les transports, où les émissions augmentent, et le bâtiment, où les émissions stagnent », rappelle Camille Defard. « Nous sommes sur le bon chemin », s’est lui félicité le vice-chancelier écologiste Robert Habeck. Les échafaudages s’accumulent, mais la construction de la transition prend forme.

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