EDF a réclamé une indemnité de 8,34 milliards d'euros auprès de l'Etat à la suite de la décision du gouvernement d'attribuer des volumes d'électricité nucléaire bon marché supplémentaires à ses concurrents

Image d'illustration.

afp.com/PHILIPPE DESMAZES

Les prix de l'énergie continuent de flamber en Europe. L'électricité, tout particulièrement, atteignait 753,98 ¤ par mégawattheure (MWh) en France, 664,79 ¤/MWh en Allemagne et 650 ¤/MWh aux Pays-Bas à 11h, ce mardi 30 août, selon les données compilées sur les bourses par RTE, responsable du réseau public de transport d'électricité. Plus du triple des tarifs affichés à la veille de l'invasion russe en Ukraine. Le prix de gros de l'électricité en France pour 2023 a même dépassé vendredi 1 000 euros le MwH. Il était de 85 euros il y a un an.

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"Nous devons arrêter définitivement la folie qui prend place sur les marchés de l'énergie. Et cela ne peut être possible que grâce à une solution européenne, a appelé le chancelier autrichien Karl Nehammer dans une adresse à ses partenaires. Nous ne pouvons pas laisser Poutine déterminer chaque jour le prix de l'électricité en Europe." En effet, l'une des raisons de cette flambée demeure la diminution volontaire des exportations de gaz vers le continent de la part de la Russie.

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L'appel a été entendu par la République tchèque, qui assure pour six mois la présidence du Conseil de l'Union européenne. Le pays a annoncé par la voix de son ministre de l'Industrie, Jozef Sikela, la tenue prochaine d'une réunion extraordinaire des ministres de l'Énergie, avec la possibilité de copier un modèle qui jusqu'ici permet de limiter drastiquement la hausse des prix de l'électricité dans la péninsule ibérique.

Exception ibérique

Début avril, les gouvernants portugais et espagnol ont en effet négocié et obtenu auprès de la Commission européenne une dérogation d'un an des règles en vigueur sur le marché de l'électricité de l'UE. Celui-ci repose normalement sur le principe du "coût marginal", impliquant de prendre comme référence le prix de la dernière capacité de production utilisée pour équilibrer le réseau, c'est-à-dire actuellement celui des centrales à gaz. "Le marché européen de l'électricité est aussi organisé comme ça pour rentabiliser l'investissement dans des centrales à gaz qui fonctionnent peu souvent, mais dont on a besoin pour éviter des black-out l'hiver", notait également Thomas Pellerin-Carlin, directeur du Centre Énergie de l'Institut Jacques Delors, auprès de Ouest-France, à l'automne dernier. Or, les deux pays, qui disposent de peu d'échanges énergétiques avec le reste du continent, produisent de leur côté leur énergie principalement à partir de sources renouvelables, moins chères à l'usage que le nucléaire, le charbon, et enfin le gaz.

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Le régime dérogatoire permet ainsi aux deux pays d'endiguer la hausse de l'électricité. Pendant 12 mois, il assure à l'Espagne et au Portugal un prix du gaz intervenant dans la production d'électricité plafonné dans un premier temps à 40 euros le MWH, avant d'atteindre 50 euros d'ici la fin de l'année. Près de six fois inférieur aux pics actuels.

"Que les consommateurs et l'industrie y gagnent sur leurs factures"

Malgré ces spécificités propres à l'Espagne et au Portugal, la France, l'Italie ou encore l'Autriche, aspirent eux aussi à une réforme en profondeur des règles de l'électricité. Le sujet du découplage "sera à l'ordre du jour", a promis le chancelier autrichien, qui dit avoir évoqué le sujet en amont avec son homologue allemand Olaf Scholz et avec Petr Fiala.

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Longtemps hostiles à la réforme, Bruxelles et Berlin se sont ralliés à leurs partenaires et soutiennent désormais l'idée de desserrer l'étau. "L'objectif est que les consommateurs ainsi que l'industrie y gagnent davantage sur leurs factures d'électricité du fait de la production si bon marché des énergies renouvelables", a confié le gouvernement allemand. "La flambée des prix de l'électricité montre clairement les limites du fonctionnement actuel du marché. Celui-ci avait été conçu dans un contexte très différent", a enfin reconnu la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors d'une conférence à Bled en Slovénie.

Reste à savoir si le modèle ibérique sera copié purement et simplement. La tentation est grande, au vu des premiers résultats qui se font sentir dans la péninsule ibérique. Au mois d'août, l'inflation a notamment ralenti en Espagne pour revenir à 10,4% sur un an (-0,4% par rapport à juillet).

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