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Décryptage

Energie : comment est fixé le prix de l'électricité en 4 questions

Alors que les discussions vont bon train en Europe pour réformer le marché commun de l'électricité, l'indexation du prix de l'électricité sur celui du gaz est de plus en plus remise en question.

Grâce à son bouquet énergétique fortement nucléarisé, la France bénéficie d'un coût de production de l'électricité inférieur à celui de beaucoup de ses voisins dépendants des énergies fossiles.
Grâce à son bouquet énergétique fortement nucléarisé, la France bénéficie d'un coût de production de l'électricité inférieur à celui de beaucoup de ses voisins dépendants des énergies fossiles. (Boris HORVAT/AFP)

Par Paul Turban

Publié le 30 août 2022 à 11:42Mis à jour le 16 févr. 2023 à 15:45

Dans de nombreux pays européens, la réforme du marché commun de l'électricité est vue comme une urgence. En France notamment, nombreux sont ceux qui dénoncent un fonctionnement injuste qui contraint les consommateurs hexagonaux à payer leur électricité à un prix très élevé alors que le bouquet énergétique français, fortement nucléarisé , assure des coûts de production plus faibles que dans les pays qui dépendent des énergies fossiles.

1. Comment sont fixés les prix de gros de l'électricité ?

Un marché, quel qu'il soit, est la rencontre d'une offre et d'une demande. L'offre est proportionnelle au prix : plus le prix de vente est élevé, plus les offreurs sont incités à produire. Pour la demande, c'est l'inverse : plus les prix sont élevés, moins les acheteurs sont nombreux.

Pour l'électricité, il y a en fait plusieurs marchés et donc plusieurs prix de gros, précise Thomas Pellerin-Carlin, directeur du Centre énergie de l'Institut Jacques Delors. « On peut acheter de l'électricité à un an, à un mois, un jour pour le lendemain ou pour le jour même (marché intrajournalier) », explique-t-il aux « Echos ». Chaque fournisseur fait ses achats en fonction de son affinité à la volatilité des marchés.

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Une fois cela dit, pour les contrats de court terme, le marché de l'électricité fonctionne selon le système de « l'ordre de mérite ». Pour qu'une entreprise accepte de produire de l'électricité, il faut que cela soit rentable. Or, le coût marginal de production, c'est-à-dire le coût du dernier MWh produit, est différent selon les sources d'énergie. Il est faible pour les renouvelables , moyen pour le nucléaire, élevé pour les énergies fossiles, notamment lorsque le prix des combustibles est élevé, comme c'est le cas actuellement.

En cas de faible demande d'électricité, les énergies renouvelables et éventuellement la production nucléaire suffisent : le prix est alors faible. Mais lorsque la demande est plus forte, il est nécessaire de mettre en route des centrales thermiques. Le prix de vente de l'électricité sur le marché s'aligne alors sur le coût marginal de production des centrales thermiques. C'est pour cela que l'on dit, un peu abusivement, que le prix de l'électricité est corrélé au prix du gaz.

2. Quel est le lien entre le prix de gros et le prix payé par les consommateurs ?

Il existe deux formes principales d'offres pour les particuliers : soit des contrats à prix fixe, calés sur le taux réglementé de vente (TRV) de l'électricité, soit des contrats indexés sur le prix du marché de gros. Mais dans les deux cas, le prix des marchés de gros ne compte que pour une part du prix payé par le consommateur.

En France, une autre partie du prix est déterminée par l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) . Il permet à tous les fournisseurs d'électricité de s'approvisionner en électricité produite par les centrales nucléaires à un prix réglementé. Actuellement, le prix de l'Arenh est de 42 euros le MWh alors que le prix du marché intrajournalier a oscillé la semaine dernière autour de 600 euros du MWh. A cela s'ajoutent également des frais de transport et plusieurs taxes, comme la TVA.

3. Pourquoi une réforme du marché est-elle envisagée ?

« Il faut différencier le structurel et le conjoncturel », explique Thomas Pellerin-Carlin. « Si on investit massivement dans la transformation des usages, dans la rénovation des logements , dans les énergies renouvelables et pour les pays qui en font le choix dans le nucléaire, les prix de l'électricité vont baisser », assure-t-il. En effet, puisque le prix de l'électricité est corrélé au prix du gaz lorsque la production de renouvelables et de nucléaire est insuffisante face à une demande élevée, une hausse de la production à partir d'énergies non-fossiles et une baisse de la consommation réduiront de facto le lien entre prix du gaz et prix de l'électricité.

Mais selon le directeur du Centre énergie de l'Institut Jacques Delors, une réforme structurelle est également nécessaire. « Le marché actuel a été pensé pour une offre pilotable - des centrales thermiques et nucléaires, que l'on peut facilement allumer et éteindre - et une demande qui ne l'était pas du tout », justifie-t-il. « Or, l'offre est de moins en moins pilotable - en raison de la variabilité des énergies renouvelables - et la demande l'est de plus en plus - avec notamment les pompes à chaleur ou encore les voitures électriques que l'on peut recharger quand on veut », poursuit-il.

4. Quelles sont les pistes de réformes envisageables ?

Selon Thomas Pellerin-Carlin, une réforme structurelle du système doit être bien réfléchie, en dehors du contexte actuel d'urgence. « Le système actuel n'est pas le fruit d'une décision bureaucratique mais bien un système qui a fait ses preuves : même actuellement, avec des prix très élevés, la menace d'une pénurie , etc., la crise est limitée aux prix de l'électricité et il n'y a pas pour l'heure de rupture d'approvisionnement », explique-t-il.

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« Si l'on décidait de payer moins cher pour l'électricité des centrales à gaz, elles ne produiraient plus. Si vous enlevez la rémunération de marché, il faut subventionner : c'est ce qu'a fait l'Espagne en bloquant le prix du gaz », ajoute le spécialiste.

A plus court terme, sans modifier de fond en comble le fonctionnement actuel du marché, Thomas Pellerin-Carlin avance trois pistes de réformes. La première est la « voie réglementaire ». Il s'agit de faire baisser la consommation en imposant des règles telles qu'actuellement l'obligation de fermer la porte lorsque l'on chauffe ou climatise ou limiter la publicité lumineuse, notamment la nuit. La deuxième est de lisser davantage la consommation, en rémunérant les mesures « d'effacement » . Autrement dit, les consommateurs auraient des incitations financières pour limiter leur consommation (arrêter leur chauffe-eau, décaler l'usage des appareils électriques, etc.) lorsque la demande d'électricité est forte.

Troisième piste envisagée par le spécialiste, il s'agit de « développer la liaison directe des fournitures d'électricité durables pour réduire l'exposition des gros consommateurs d'électricité aux fluctuations du marché ». Concrètement, cela signifie que l'on pourrait inciter les grandes entreprises à passer des contrats de long terme directement avec des producteurs d'électricité, comme cela existe déjà. Cela leur permettrait d'avoir un prix stable, tout en assurant aux producteurs des revenus fixes qui garantiront la rentabilité de leurs projets.

Paul Turban

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