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Interview

Enrico Letta : « Je suis optimiste pour l’Europe en 2017 »

L’ancien Président du conseil italien (avril 2013-février 2014) Enrico Letta est aujourd’hui le doyen de l’Ecole des affaires internationales de Sciences po et le président de l’institut Jacques Delors. Il publie cette semaine en Italie un ouvrage sur l’Europe « Contre vents et marées », dont la version française sortira en septembre avec un chapitre supplémentaire consacré à l’élection présidentielle française.

Par Virginie Robert

Publié le 16 mars 2017 à 12:10

Quels enseignements tirez vous du scrutin législatif néerlandais ?

C’est un message important qui nous vient des Pays Bas, le pays considéré comme le plus à risque parmi les fondateurs de l’Union européenne. Il nous dit qu’il n’y a rien d’inéluctable à l’arrivée des nationalistes au pouvoir. Et que si les partis pro-européens ne font pas de bêtises, le match pour approfondir l’intégration avec les changements nécessaires peut-être gagné.

La Commission vient de proposer un livre blanc avec cinq scénarios possibles pour l’Europe. Qu’en pensez-vous ?

C’est la dernière occasion pour l’Europe de devenir adulte. Le statu quo est impossible. Le futur de l’Europe doit être un futur d’influence, car aucun des pays européens n’aura la taille, seul, pour être un interlocuteur face à la Chine ou au Nigeria, qui aura autant d’habitants que l’Europe dans dix ans. Ceux qui, comme Trump, disent que la solution est de « reprendre le contrôle » ou de retourner à l’Etat-nation se trompent. Le livre blanc est un exercice habile qui permet d’attendre le résultat des élections françaises et allemandes. Personnellement, je suis favorable à deux des scénarios qui évoquent une Europe à plusieurs vitesses, mais aussi plus fédéraliste.

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Comment vont peser les prochaines échéances électorales  ?

Le vote des Français aura une double signification. Il va compter non seulement pour la France, mais il va avoir un impact unique dans l’histoire européenne. Entre Le Pen et Macron par exemple, il y a deux directions complètement différentes pour l’Europe. Si Marine Le Pen gagne, l’Europe est terminée. Si c’est Macron, l’Europe est relancée. Je suis optimiste pour 2017, la page peut être tournée. En Allemagne cette année, il n’y a jamais eu de candidats plus pro-européens que l’Angela Merkel d’aujourd’hui -par rapport à il y douze ans- et Martin Schulz. Nous sortons d’une décennie dans laquelle l’Allemagne a pris le leadership, où l’économie et la finance ont été au centre. Depuis le vote pour le Brexit et l’élection de Trump, on voit que les sujets de politique, d’identité. de la peur des classes moyennes prennent le dessus. La France, avec son poids dans la défense et la politique étrangère, pourra aider à rééquilibrer les choses.

De quelle façon rendre le projet européen attirant pour les citoyens ?

Le problème de l’Europe est son élitisme. Les populations cosmopolites, capables de travailler dans un pays ou l’autre défendent volontiers l’Europe. Il faut toucher d’autres cibles ! Avec un « Erasmus » de l’école par exemple, et non pas seulement de l’université, on peut essayer de faire une différence. L’Europe ne doit pas être un instrument froid, technocratique, qui ne fonctionne que pour les élites.

Ce n’est pas facile quand, pour les citoyens, il n’y a pas vraiment d’incarnation politique de Bruxelles  ?

C’est juste, et cela a été particulièrement visible au cours de la troisième négociation du plan d’aide à la Grèce. Face aux représentants du peuple souverain grec, il y avait, autour de la table, les émissaires de la BCE, du FMI et de la Commission. On n’a jamais donné autant d’argent à un pays qu’à la Grèce, 480 milliards d’euros, mais il manquait des élus représentant ceux qui mettent l’argent. La situation ne pouvait qu’être explosive et cela a permis à Yannis Varoufakis, alors ministre des Finances, de se transformer en une sorte de héros. Clairement, il faut que la souveraineté populaire incarnée par le Parlement européen soit plus forte dans ce genre de situation.

La question des migrants, l’une des plus pressantes pour l’Europe, est-elle soluble ?

Il faut se mettre d’accord sur des règles. Tous les pays européens n’ont pas la même expérience de l’immigration. Pour certains, la population immigrée représente déjà 10 % du total, pour d’autres à peine 0,2 %. La première chose à faire est d’appliquer les décisions prises, et notamment celle de sécuriser les frontières extérieures de l’Europe en partageant les coûts et les responsabilités. On ne peut pas laisser toute la charge à un seul pays, parce que les frontières sont déséquilibrées d’un pays à l’autre en raison de la géographie. Il faut surtout éviter de refermer les frontières à l’intérieur de l’Europe, parce que ce serait la fin de l’Europe. Si l’on n’applique pas ce qui a été décidé, cela va faire comme pour la crise financière, où il a fallu attendre 2012 avant d’avoir des réponses concrètes, comme le Mécanisme européen de stabilité. Les marchés ont réagi avant.

Propos recueillis par Virginie Robert.

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