Enrico Letta appelle les pro-européens à se mobiliser

Enrico Letta [European Council]

Lors d’une conférence à Malte, l’ancien Premier ministre italien, Enrico Letta a estimé qu’une victoire de la dirigeante du Front National aux élections françaises marquerait « le début de la fin » pour l’UE.

« L’Europe peut disparaître. Je pense que l’Union européenne ne pourra pas survivre à l’arrivée de Marine Le Pen en tant que représentante de la France au Conseil européen. Ce serait le début de la fin », a déclaré Enrico Letta. L’ancien dirigeant italien, également président de l’Institut Jacques Delors, s’exprimait lors d’une conférence organisée par un groupe de réflexion à La Valette, dans le cadre de la présidence maltaise du Conseil de l’UE.

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Sans nommer directement Emmanuel Macron, Enrico Letta a précisé que si « un prétendant jeune et pro-européen » remportait les élections présidentielles françaises, il serait « très optimiste », convaincu que les élections allemandes seront remportées par un pro-européen.

Il a ajouté qu’Angela Merkel ne s’était jamais montrée autant en faveur de l’Europe qu’à présent, et que le candidat du SPD, Martin Schulz, était devenu un phénomène politique « incroyable », en mettant sa remarquable carrière en politique européenne au service de son pays.

Enrico Letta a cependant reconnu que les élections françaises étaient plus importantes que les élections allemandes. En effet, après le référendum sur le Brexit et l’élection de Donald Trump, la présence de la France au sein du Conseil de sécurité des Nations unies est devenue « capitale pour l’avenir » des relations internationales.

L’UE en péril

D’après l’ancien président du Conseil italien, l’UE est en péril. Il est donc crucial de montrer aux citoyens à quel point l’Union est « utile », surtout concernant des questions ne pouvant être résolues de manière individuelle par les États, telles que la crise migratoire.

Il a par ailleurs regretté que l’UE tarde à fournir des résultats, expliquant que la décision d’établir une Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) était une bonne idée, mais que les résultats risquaient de « ne pas être à la hauteur des attentes ».

La conférence de Malte était dédiée à la politique européenne de voisinage et à la crise des réfugiés. Le Premier ministre maltais, Joseph Muscat, a préconisé dans son discours que les décisions prises au niveau européen soient mises en application. Il a cité son propre pays comme exemple. En effet, bien que l’île ait elle-même été exposée à l’arrivée de réfugiés, les autorités ont également accepté d’accueillir des migrants ayant transité par la Grèce ou l’Italie, en vertu du plan de répartition de 160 000 demandeurs d’asile en deux ans au sein de l’UE.

Le Premier ministre maltais recommande qu’un commissaire soit chargé de surveiller la manière dont les décisions prises aux sommets européens sont appliquées dans les États membres.

Euractiv a demandé à Joseph Muscat et Enrico Letta ce qu’il adviendrait si la décision de relocaliser 160 000 demandeurs d’asile n’était pas mise en œuvre d’ici septembre. Certains pays d’Europe centrale refusent en effet d’accueillir des réfugiés, tandis que d’autres les acceptent par petits groupes. En théorie, la Commission pourrait donc lancer des procédures d’infraction.

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Joseph Muscat a déclaré ne pas vouloir prendre la responsabilité de se prononcer de manière négative sur le plan de répartition. Il a ajouté ignorer ce qu’il se passerait si la décision n’était pas appliquée dans le temps imparti.

D’après Enrico Letta, si les États membres ne parviennent pas à mettre en œuvre le plan de répartition, ils laisseront s’échapper une occasion en or. Il a ajouté que l’UE était fondée sur des valeurs d’entraide et de responsabilité, et que la première fois que l’Allemagne avait lancé un appel à la solidarité, la réponse n’avait pas été à la hauteur des attentes. « Il est inadmissible que certains pays n’aient même pas réagi », a-t-il regretté. « Même à l’ère du numérique, il est impossible d’échapper à son histoire et sa géographie », a-t-il conclu.

Vladimir Bartovic, directeur du groupe de réflexion tchèque Europeum, a demandé si la « solidarité flexible » prônée par la Slovaquie et les autres pays du groupe de Visegrad pouvait être acceptée en guise de contribution. Joseph Muscat a répondu que cela ne correspondait pas à l’approche adoptée par le reste de l’Union.

Le Premier ministre maltais a expliqué avoir observé la réussite des pays membres de l’UE à coopérer sur les aspects extérieurs de la crise migratoire, tandis qu’ils n’ont pas trouvé de solutions aux problèmes intérieurs, tels que celui de la répartition des demandeurs d’asile. Il a qualifié les questions extérieures de « solution de facilité » pour atteindre une plus grande unité.

Joseph Muscat a insisté sur la nécessité d’une Europe à plusieurs vitesses, tout en ajoutant qu’au vu de son statut de dirigeant d’un petit pays, les citoyens s’attendaient peut-être à ce qu’il maintienne le statu quo.

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