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Décryptage

Europe : le programme radical de Marine Le Pen mènerait au « Frexit »

Dans son programme présidentiel, Marine le Pen ne fait plus mention d'une sortie de la France de l'Union européenne mais cette issue apparaît comme la conséquence inexorable de son programme anti-migrant et de préférence nationale.

Lors du vote massif du Parlement européen en faveur de sanctions accrues contre la Russie, jeudi 7 avril, les élus du Rassemblement national n'ont pas pris part au vote. Ici Marine Le Pen lorsqu'elle siégeait au Parlement de Strasbourg avant juin 2017.
Lors du vote massif du Parlement européen en faveur de sanctions accrues contre la Russie, jeudi 7 avril, les élus du Rassemblement national n'ont pas pris part au vote. Ici Marine Le Pen lorsqu'elle siégeait au Parlement de Strasbourg avant juin 2017. (Dominique Hommel/Isopix/Sipa)

Par Catherine Chatignoux

Publié le 12 avr. 2022 à 14:00Mis à jour le 27 avr. 2022 à 18:36

Dans le programme officiel de Marine Le Pen, sur la grosse quinzaine de livrets thématiques qui exposent plus en détail le projet de la candidate d'extrême droite, l'Union européenne n'apparaît pas. On trouve un chapitre sur le patrimoine, un autre sur la famille, un autre encore sur la protection des animaux, mais rien sur ce qui constitue le plus large versant de la politique étrangère de la France depuis plus de cinquante ans.

L'Union européenne n'est pour Marine Le Pen ni un dessein, ni un besoin. Plutôt un boulet, une infirmité dont il faudrait se débarrasser. Depuis 2017, elle a renoncé à sortir de l'euro et elle avance désormais masquée, avec un positionnement plus subtil mais tout aussi radical. D'ailleurs si elle est élue, elle commencera par retirer le drapeau européen du fronton de tous les bâtiments officiels du pays. Le symbole est on ne peut plus clair.

Europe à la carte

Si la stratégie européenne n'est pas traitée en tant que telle dans le programme de Marine Le Pen, la question de l'appartenance à l'Union européenne se pose à chaque détour de son projet.

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Pour s'attaquer à la « submersion migratoire » supposément « organisée » par l'Europe, Marine Le Pen, qui redoute d'être récusée dans sa volonté de donner un coup d'arrêt à l'immigration par la Cour européenne des droits de l'homme ou la Cour européenne de justice, veut organiser dès son élection un référendum pour modifier la Constitution.

« J'y inscris la supériorité du droit constitutionnel sur le droit européen, explique-t-elle. Cette évolution fondamentale de notre droit trouvera à s'appliquer non seulement dans le domaine de l'immigration mais aussi dans toutes les matières, permettant à la France de concilier son engagement européen avec la préservation de sa souveraineté et avec la défense de ses intérêts. »

En clair, Marine Le Pen voudrait profiter d'une Europe à la carte, où elle pourrait choisir les décisions européennes qui lui plaisent et rejeter celles qui l'indisposent comme les traités de libre-échange, la politique sociale, l'élargissement, la PAC, Frontex, la défense, etc.

Le problème est que ce référendum en lui-même - pour autant qu'il recueille une majorité de suffrages des Français - est contraire aux traités. « Le fait même d'inscrire cette primauté nationale dans la Constitution est inconstitutionnel d'un point de vue européen », explique Christine Verger, vice-présidente de l'Institut Jacques-Delors.

Puzzle mal assemblé

« C'est absurde, renchérit Jean-Louis Bourlanges, député centriste et président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, si vous affirmez la supériorité du droit national sur le droit européen, vous n'avez plus de droit européen ! Marine Le Pen a renoncé à une sortie officielle de l'Europe, mais son programme est tout simplement incompatible avec le maintien de la France dans l'Union. »

Sa promesse de réserver la priorité de l'emploi, des aides sociales et des logements sociaux aux seuls Français ne remettrait pas seulement en cause « les grands principes d'égalité et de fraternité » du pacte républicain, comme l'a souligné le constitutionnaliste Dominique Rousseau. Elle est aussi incompatible avec les traités européens qui organisent la libre circulation des personnes et l'accès aux emplois dans tous les pays membres de l'Union.

Le rétablissement des frontières nationales qui ont disparu - sauf dérogations récentes pour le terrorisme et le Covid - depuis les accords de Schengen systématiquement plébiscités dans les sondages, contreviendrait lui aussi aux règles européennes.

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D'autres propositions sont plus trivialement incohérentes comme celle qui consiste à vouloir financer ses dépenses sociales par la réduction de la contribution française au budget de l'Union. « C'est tout simplement impossible, le budget pluriannuel est déjà voté pour la période 2021-2027 », rappelle Christine Verger. Marine Le Pen ne dispose donc d'aucun levier pour le modifier en profondeur. Si la France insistait, note Yves Bertoncini président du Mouvement européen France, « la Commission couperait les fonds de la PAC dont elle est la grande bénéficiaire », assure-t-il.

Mises bout à bout, ces pièces de puzzle mal assemblées dessinent l'abandon de tous les principes sur lesquels la France a construit son environnement économique, politique et juridique depuis la fin de la guerre et le traité de Rome.

Définitivement isolée

Contrairement à ce qu'elle affirme, elle n'a pas d'alliés en Europe pour une illusoire configuration d'une Europe des nations qui serait régie par le droit de veto. Son rapprochement, jamais concrétisé par la création d'un groupe parlementaire, avec Matteo Salvini, le patron de la Ligue en Italie, et les dirigeants hongrois, Viktor Orbán, et polonais, Mateusz Morawiecki, s'est définitivement fracassé sur l'agression de la Russie en Ukraine qui l'a plus que jamais isolée.

Dans le contexte géopolitique actuel, son arrivée à l'Elysée marquerait une rupture encore plus lourde de conséquences. Sa proximité politique avec le président russe, Vladimir Poutine, dont elle louait le modèle il n'y a pas si longtemps et sa volonté réaffirmée de négocier avec lui l'architecture de sécurité de l'Europe, plongeraient les Vingt-Sept dans un abîme de désarroi au moment où ils tentent de maintenir coûte que coûte leur cohésion face à l'agresseur russe.

Catherine Chatignoux

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