► L’origine du mot

Emprunté au latin Europa, lui-même pris au grec Eurôpê. Le nom grec vient de eurus, « large », et ops, « œil », et signifie « aux grands yeux ». Une origine possible du mot est phénicienne : il viendrait de ereb signifiant « soir » et donc « occident », cet endroit où le soleil part se coucher et qui s’oppose à « pays du levant », c’est-à-dire l’Asie.

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Dans la mythologie, Europe est la fille de Théléphassa et d’Agénor (le roi de Phénicie). Zeus en tombe éperdument amoureux. C’est sous la forme d’un taureau blanc qu’il l’enlève et l’amène en Crète. De leur amour, naissent trois enfants, Minos, Rhadamante et Sarpédon, tandis que le taureau s’installe parmi les signes du zodiaque.

► Pourquoi l’a-t-on choisi

Après le sommet de Versailles organisé les 10 et 11 mars dernier, qui a réaffirmé l’unité européenne face à la guerre en Ukraine, un Conseil européen a lieu les 24 et 25 mars sur la sécurité et la défense, en présence du président des États-Unis, Joe Biden.

Mercredi 23 mars, le président Volodymyr Zelensky s’est exprimé devant les parlementaires français, en convoquant l’histoire tragique de l’Europe. « Comme sur les photos de la Première Guerre mondiale que nous avons tous vues, les Russes ne distinguent pas les objets ciblés mais ils détruisent tout», a-t-il déclaré, comparant Marioupol à Verdun, et insistant : « Nous attendons de la France votre leadership, votre force, pour mettre fin à cette guerre qui attente à notre liberté, notre égalité, notre fraternité. »

► Comment il fait débat

« Europe est un mot mal coté dans le débat politique français, sauf par Emmanuel Macron qui en avait fait le thème essentiel de sa campagne de 2017 », avance Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques-Delors et autrice de L’Europe : changer ou périr (Taillandier). Le mot, poursuit l’historienne, désigne de manière confuse tantôt le continent, tantôt les institutions.

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Surtout, note-t-elle, le thème « ne prend pas depuis le début de cette campagne, dominée par le pouvoir d’achat ou la sécurité ». Comme si la parenthèse de 2017 semblait refermée, « la plupart des candidats considéraient encore il y a peu la France comme une île, dans un univers plus ou moins menaçant ». « Depuis le référendum de 2005, le sujet est vu par les partis politiques comme dangereuxcar trop clivant, confirme la philosophe Céline Spector, autrice de No démos. Souveraineté et démocratie à l’épreuve de l’Europe (Seuil). Le thème qui s’affirme au contraire, c’est celui du souverainisme. »

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L’irruption de la guerre sur le continent peut-elle changer la donne ? Pas vraiment, selon les deux chercheuses. « Le terme, certes, a fait son retour dans l’espace public, dans les médias mais très peu dans les discours politiques, au sein des partis comme des équipes de campagne », note la philosophe. « La guerre n’a rien changé à la timidité des discours sur l’Europe, encore moins aux discours anti-européens », abonde Nicole Gnesotto.

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Certes, depuis un mois, s’impose le thème de « l’Europe puissance », explique Nicole Gnesotto. Mais, souligne l’historienne, « ce sursaut européen s’accompagne d’une certaine prudence, voire d’une absence d’idée de ce qu’on pourrait faire de plus en Europe ». Même le président sortant, à la tête de l’Union européenne depuis le mois de janvier, aurait selon Céline Spector la tentation de « renationaliser sa campagne », maniant par exemple le slogan « Pour une France indépendante ». Nicole Gnesotto, elle aussi étonnée que sa seconde campagne n’ait pas les mêmes accents européens que la première, s’interroge : « Peut-être sa pratique présidentielle vaut-elle programme ? »

(1) Le 25 mars à 18 h 20, avec le mot « Europe » dans « Le Temps du débat » sur France Culture.