Élections européennes : un Parlement européen de plus en plus à droite
La poussée des partis nationalistes d’extrême droite dans plusieurs pays bouscule la traditionnelle grande coalition droite-gauche PPE-S & D. De nouveaux équilibres s’installent qui pèseront sur la composition de la nouvelle Commission et donc la politique de l’UE.
Comme attendu, les élections européennes ont impulsé un coup de barre à droite avec une poussée des partis populistes d’extrême droite dans plusieurs des 27 pays de l’Union, mais peut-être moins que ce que laissaient présager les sondages. Le scrutin 2024 est marqué par une nette baisse des libéraux de Renew et des écologistes et un maintien des sociaux-démocrates (S & D) et de la droite (PPE).
Dans le détail, l’extrême droite arrive en 2e positon en Allemagne en dépit des manifestations importantes qui avaient eu lieu contre l’AfD. Celle-ci obtient 16,30 % contre 29,6 % contre la CDU. Le SPD du chancelier Scholz est à 14,10 %, Les Verts à 12,1 %. En Autriche, le parti d’extrême droite FPÖ est en tête avec 27 %. Aux Pays-Bas, en revanche l’extrême droite fait une contre-performance. La liste PVV de Geert Wilders affiche 17,70 % des voix contre 21,60 % pour l’alliance entre les Verts et le Parti travailliste, 11,6 % pour le VVD, le parti libéral du Premier ministre sortant Mark Rutte. Les partis membres du PPE sont en tête en Bulgarie (26,20 %), en Croatie (33,74 %), en Grèce (30 %), à Chypre (24,40 %). En Espagne, la gauche de Pedro Sanchez résiste bien avec 30,2 % pour le PSOE, contre 32,4 % pour le PP.
Au final, les projections en sièges s’établissaient hier (à 23 h 25) à 191 sièges pour le PPE (+14), 71 pour ECR (+5), 57 pour ID (-3), 83 pour Renew (-18), 53 pour les Verts (-19), 135 pour les socialistes (-8) et 35 pour la gauche radicale (-2).
Un super groupe d’extrême droite reste peu probable
Depuis hier, la question est donc de savoir si un super-groupe d’extrême droite peut advenir. Cette perspective semble très compliquée tant les divisions sont nombreuses entre les deux groupes d’extrême droite, les Conservateurs et réformistes européens (CRE) où siège l’italienne Giorgia Meloni et Identité et démocratie (ID) où siège Jordan Bardella. Les divergences se font sur l’Ukraine ou les accords de libre-échange, moins sur l’immigration ou le climat. Au sein d’ID, des divergences internes ont éclaté au grand jour ces derniers mois, notamment entre Marine Le Pen et l’Allemande Alice Weidel, sulfureuse présidente de l’AfD, la formation qui a été exclue d’ID après des propos sur les SS de sa tête de liste… De plus, CRE et ID sont ceux où la cohésion de vote, élément clé de crédibilité pour collaborer avec les autres groupes est la plus faible. Enfin, il reste encore l’inconnu du positionnement des troupes de Viktor Orban, qui n’a pas encore fait son choix entre la ligne Le Pen et la ligne Meloni.
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Une deuxième option émerge, celle d’une coalition entre le PPE et CRE. « Au sein du Parlement européen, une coalition populiste de droite composée de démocrates-chrétiens, de conservateurs et d’eurodéputés de droite radicale pourrait émerger avec une majorité pour la première fois », prévenait déjà en janvier l’European Council on Foreign Relations (ECFR).
Au centre du jeu, l’italienne Giorgia Meloni, largement en tête hier en Italie. Cette dernière pourrait devenir la faiseuse de roi en fonction de ses choix : soit une alliance avec ID soit une alliance avec le PPE. La présidente PPE sortante de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, candidate à un second mandat, avait elle-même évoqué cette possibilité d’alliance, ce qui avait ulcéré son rival Nicolas Schmit – dont le groupe socialiste était historiquement allié au PPE dans la grande coalition – qui brigue lui aussi la présidence de la Commission, devenue hier, avec les autres « top jobs » de l’UE l’enjeu des prochaines semaines de tractation.
La présidence de la Commission choisie fin juin
L’une des premières tâches du nouveau Parlement sera, en effet, de confirmer ou d’infirmer les choix des chefs des institutions de l’UE sur lesquels les dirigeants des 27 États membres – le Conseil européen – tenteront de s’accorder lors d’un sommet prévu les 27 et 28 juin à Bruxelles. Les chefs d’État et de gouvernements – qui ont chacun un commissaire – doivent convenir d’un accord global sur les « tops jobs ».
Pour la présidence de la Commission, l’Allemande Ursula von der Leyen apparaît toujours en bonne position, même si une surprise ne peut être exclue, comme en 2019 où elle avait été la candidate inattendue face à Manfred Weber dont ne voulait pas Emmanuel Macron. Si elle est choisie par les Vingt-Sept, « VDL » devra encore franchir le cap du Parlement, lors d’une session plénière à Strasbourg qui commencera le 16 juillet. Le Parlement doit élire son président, ses vice-présidents et les présidents des puissantes commissions ; il doit donc aussi valider le nom du président ou de la présidente de la nouvelle Commission, probablement le 18 juillet. Un vote de rejet et la quête d’un nouveau candidat retarderaient l’ensemble du processus.
« Ce qui se joue, c’est la capacité européenne à incarner la démocratie, à trouver des compromis, à garder un minimum de cohésion […] face à Poutine, à la Chine, au futur président américain », expliquait récemment Sébastien Maillard, de l’Institut Jacques Delors, en insistant sur l’impact, en termes d’image, que pourrait avoir un flottement dans la désignation des « visages de l’Europe » pour cinq ans à venir.