L'Union européenne a lancé lundi 7 mars la procédure pour l'examen des demandes d'adhésion de l'Ukraine, de la Géorgie et de la Moldavie

L'Union européenne a validé le statut de candidat de l'Ukraine, qui paye cher sa volonté de rejoindre le "collectif occidental".

François WALSCHAERTS / AFP

Nul ne peut dire à l'heure actuelle qui sortira vainqueur de la guerre de Poutine en Ukraine, ni si elle aura une fin, ni même ce que signifierait une victoire : une négociation de paix ? Des territoires abandonnés par les Ukrainiens ? Des territoires reconquis aux Russes ? Sur fond de bombardements meurtriers et d'avancées à petits pas des troupes russes dans le Donbass, les sommets de l'UE, du G7 et de l'Otan qui viennent de se succéder ont confirmé le soutien de l'ouest à Kiev face à la détermination du Kremlin à obtenir la reddition des forces ukrainiennes. Mais aussi, plus gravement, l'inquiétude occidentale face à la hausse vertigineuse des prix de l'énergie : la cohésion sociale, l'unité européenne, la solidarité avec l'Ukraine résisteront-elles aux besoins de chauffage cet hiver ?

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Poutine parie sur cette vulnérabilité occidentale. L'usage de ses missiles et la dépendance aux hydrocarbures qu'il a habilement tissée en deux décennies sont les deux atouts qui peuvent encore lui faire gagner la guerre du hard power. Les alliés occidentaux, eux, ont déjà remporté celle du soft, et c'est la deuxième guerre qui se joue à nos portes. La Suède et la Finlande s'apprêtent à entrer dans l'Otan. Les Ukrainiens se réjouissent d'appartenir bientôt à l'Union européenne, seule à même d'assurer la défense de leur souveraineté nationale. Ils prouvent au monde, au prix du sang versé, que le soft power des démocraties libérales et parlementaires européennes est plus attractif que celui de la dictature russe héritée de l'Empire soviétique.

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Poutine a produit le contraire de ce qu'il exigeait : l'entrée dans l'UE de nouveaux pays de l'ex-bloc soviétique, ce qu'il voulait à tout prix éviter, et un nouvel élargissement de l'Otan, qu'il voulait à tout prix rétrécir. L'humiliation'' ressentie par la Russie n'est ainsi due qu'à elle-même. L'écrasement par les armes de cette nation de 44 millions d'habitants qui a l'outrecuidance de lui préférer l'Union européenne est la punition démesurée d'un dictateur vexé de n'être pas aimé.

L'Ukraine paye son désir de rejoindre "le collectif occidental"

En approuvant l'octroi immédiat du statut de candidat à l'Ukraine - et à la Moldavie, menacée en première ligne -, les 27 dirigeants européens ont donc validé la plus légitime des revendications. Les Ukrainiens payent de leur vie leur volonté de rejoindre l'UE, répétée élection après élection. Cet entêtement à vouloir être des nôtres nous oblige, car il est le seul vrai motif de la guerre menée par la Russie. Après la "révolution orange" de 2004, qui a révélé le clivage de la société ukrainienne entre une minorité prorusse et une majorité proeuropéenne, c'est la décision du gouvernement ukrainien de renoncer à un accord d'association avec l'UE qui a suscité les manifestations sanglantes sur Maïdan à Kiev, de novembre 2013 à février 2014. Ce sont elles qui ont entraîné les représailles de Vladimir Poutine en Ukraine : annexion de la Crimée, soutien aux séparatistes prorusses du Donbass, guerre d'invasion.

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Sous le faux prétexte de l'élargissement de l'Otan, le président russe a dévoilé par ses actes autant que par ses écrits la raison cachée de sa guerre sauvage et insensée : l'insupportable désir des Ukrainiens de rejoindre "le collectif occidental", cruel miroir du soft power dont il a privé son propre pays.

Gagner la guerre de la séduction ouvre néanmoins une boîte de Pandore. La France a toujours été réticente au principe d'un élargissement de l'UE sans réforme des institutions - contrairement à l'Allemagne ou au Royaume-Uni, appuyés par Washington, qui préféraient à une Europe politique un vaste marché ouvert au libre-échange. Accélérer la candidature de l'Ukraine interdit désormais d'oublier les Balkans occidentaux, qui s'évertuent depuis des années à se conformer aux normes d'adhésion.

Le président français Emmanuel Macron, dont l'énergie à insuffler l'idée visionnaire de "souveraineté européenne" a fait faire aux Vingt-Sept des pas de géant, a de nouveau pris la main en avançant l'idée d'une "communauté politique européenne" - évoquée différemment par Enrico Letta, chef du Parti démocrate italien, et par Charles Michel, président du Conseil européen. Ce n'est pas une alternative à l'adhésion, insiste l'Elysée, mais un moyen d'associer à l'UE les pays qui, de l'Ukraine au Royaume-Uni, ne peuvent pas encore y adhérer - ou ne le veulent pas. Alors que Poutine ne compte que sur notre délitement, cette réforme s'impose comme une arme décisive.

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