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Fin de partie pour le nucléaire en Allemagne // Au Salvador, la peur au quotidien

19 avril 2023

Les trois dernières centrales d'Allemagne ont été mises à l'arrêt le 15 avril 2023. Mais le débat sur le nucléaire n'est pas tout à fait clos. // Au Salvador, la population craint désormais plus les autorités que les gangs.

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Samedi 15 avril 2023 devant la porte de Brandebourg, à Berlin. Un énorme dinosaure jaune gît, retourné sur le dos, pattes en l'air, yeux fermés et langue pendante... Sur son ventre se tient, triomphant, un personnage rouge à tête de soleil souriant, il porte à la main une épée et un bouclier sur lequel on peut lire un slogan bien connu : "Nucléaire, non merci !". 

Mise en scène de Greenpeace le 15 avril 2023 devant la porte de Brandebourg
L'énergie nucléaire allemande terrassée le 15 avril 2023Image : Markus Schreiber/ASSOCIATED PRESS/picture alliance

Cette mise en scène symbolique de Greenpeace salue la fermeture des trois dernières centrales nucléaires d'Allemagne : Isar 2, Neckarwestheim et Emsland. Et la fin de plus de 60 ans d'énergie nucléaire en Allemagne. Paul-Marie Manière est chargé de campagne sur la sortie du nucléaire pour l'ONG.

"La sortie du nucléaire est vraiment un aboutissement pour des millions de personnes en Allemagne qui ont lutté pendant des décennies pour une transition énergétique juste, donc on voulait un peu rendre ça avec ce dinosaure, achevé par le mouvement anti-nucléaire, qu'on a présenté à Berlin samedi dernier."

Investissements dans les renouvelables

Des panneaux solaires sur le toit d'une maison
Entre 2000 et 2010, le gouvernement a massivement encouragé l'installation de panneaux solaires sur les installations privéesImage : Bihlmayerfotografie/imago images

Si c'est un combat de plusieurs décennies qui s'achève pour le mouvement anti-nucléaire, c'est aussi l'aboutissement d'un choix politique qui date de vingt ans, comme le rappelle Camille Defard, chef du centre énergie à l'Institut Jacques Delors, un thinktank européen.

"Le mouvement contestataire en Allemagne a gagné la bataille en 2000, avec un accord visant à sortir du nucléaire. Cette décision s'est accompagnée d'un engagement politique sur les énergies renouvelables et sur la sortie du charbon."

A partir des années 2000, l'Allemagne a en effet commencé à réduire sa production de charbon. Et surtout, elle a massivement investi dans les énergies renouvelables en misant sur la participation citoyenne, par exemple dans le solaire. 

"De 2000 à 2010 il y avait des mécanisme de participation citoyenne qui étaient vraiment avantageux. Il y a eu un fort engagment des citoyens dans la transition. Environ 50% des projets étaient détenus par des acteurs non nationaux, par exemple des municipalités ou des agriculteurs. Cela a permis de déployer les renouvelables avec une forte acceptabilité sociale."

Le tournant de Fukushima

La centrale nucléaire de Fukushima juste après l'accident, le 12 mars 2011
Des dizaines de milliers de personnes déplacées et douze ans plus tard, un million de tonnes d'eau contaminée encore sur le site de la centrale : la catastrophe nucléaire de Fukushima a des effets durablesImage : Digital Globe/abaca/picture alliance

En 2010, le gouvernement conservateur-libéral fait une tentative de revenir sur l'accord de sortie du nucléaire. Mais la catastrophe de Fukushima, un an plus tard, finit par convaincre la chancelière Angela Merkel de renoncer à cette technologie. Après cela, les centrales ferment les unes après les autres. 

Jusqu'aux trois dernières. Elle devaient être déconnectées du réseau électrique fin 2022, mais la guerre en Ukraine et la crainte de pénuries d'énergie en hiver ont conduit le gouvernement d'Olaf Scholz à retarder leur fermeture. Elles couvraient encore 6% des besoins en électricité. 

Trois mois et demi plus tard, l'opinion allemande semble divisée sur la question du nucléaire. 59% des Allemands estiment que le moment était mal choisi pour dire adieu à l'atome, selon un sondage de la chaîne publique allemande ARD. Paul-Marie Manière, de Greenpeace, dénonce une campagne de panique orchestrée par les conservateurs et les libéraux.

"On a fait peur aux gens en leur disant qu'on allait manquer d'électricité et les prix vont exploser. Mais finalement, avec les trois mois et demi de nucléaire en plus, on a économisé 0,3% de gaz, ce qui n'est vraiment rien, et l'influence sur les prix électriques était de moins d'un pourcent aussi."

Le nucléaire efficace contre le changement climatique ?

Symbole d'un tonneau de déchets radioactifs
La gestion des déchets nucléaires reste un problème durableImage : Ole Spata/dpa/picture alliance

Le concert de critiques ne s'est pas arrêté aux frontières de l'Allemagne. Certains partenaires comme la France, pays le plus nucléarisé d'Europe avec 56 réacteurs, ne comprennent pas que la première économie européenne renonce à cette technologie, en temps de crise énergétique mais aussi de lutte contre le changement climatique. 

Un des principaux arguments sur ce dernier point est que le nucléaire n'émet pas de gaz à effet de serre et contribue donc à la "décarbonation" de la production d'électricité. Un argument que conteste Paul-Marie Manière, de Greenpeace :

"Le nucléaire n'est pas neutre en CO2, il y a beaucoup d'émissions quand on regarde les mines d'uranium, l'enrichissement, le transport, etc. Il y a aussi tous les autres problèmes à côté comme les risques d'accidents, ou les déchets pour lesquels on n'a toujours pas de solution."

L'énergie nucléaire n'est donc pas si propre qu'on le prétend. Elle est tout de même moins polluante que le charbon, qui représente encore un tiers de la production d'énergie en Allemagne. En 2022, le pays a même augmenté sa production de 8% pour compenser l'absence de gaz russe...  

Une centrale à charbon de RWE, dans l'ouest de l'Allemagne
L'Allemagne a augmenté de 8% sa production de charbon en 2022, mais la tendance est globalement à la baisseImage : Christoph Hardt/Panama Pictures/picture alliance

"Comme par hasard, c'est l'année ou la moitié des centrales nucléaires françaises ne pouvaient pas tourner. En fait, si on regarde les chiffres, une grande partie de l'électricité du charbon part en France quand les centrales ne tournent pas. La France est dépendante des exportations électriques allemandes depuis des années et finalement la France a plus besoin du charbon allemand que l'Allemagne du nucléaire français."

Et la sobriété dans tout ça ?

Camille Defard, de l'Institut Jacques Delors, estime pour sa part que prolonger encore la durée des centrales nucléaires allemandes coûterait trop cher et détournerait les investissements dédiés au développement des énergies renouvelables. Elle regrette aussi que le débat se limite à la question des sources de production d'énergie.

Une enseigne publicitaire lumineuse sur un bâtiment commercial lui aussi allumé dans la nuit
Réduire la consommation d'énergie peut aussi être une solution, à commencer par les enseignes lumineuses particulièrement énergivoresImage : S. Ziese/blickwinkel/IMAGO

"On entre dans une ère de prix énergétiques élevés, une ère où il faut se séparer des énergies fossiles qui étaient relativement bon marché et qui avaient cette illusion d'abondance illimitée, et on rentre dans une ère où l'offre énergétique va être plus limitée, ce qui nécessite de débattre des usages qu'on veut en faire et de la façon dont elle est distribuée entre les différents secteurs et les différents acteurs de la société."

La sortie du charbon a été fixée à 2038 en Allemagne, et le gouvernement ambitionne d'augmenter la part des renouvelables - qui est actuellement de 46% - à 80% d'ici à 2030. Le chancelier Olaf Scholz a toutefois mis un bémol à cet objectif en affirmant qu'il faudrait "installer quatre à cinq éoliennes par jour" pour couvrir les besoins... Alors cet objectif est-il réaliste ? Camille Defard reste prudente :

"On n'est pas à l'abri d'une bonne surprise, mais il est possible que l'Allemagne ait déjà déployé les renouvelables là où elles étaient faciles à déployer. Et c'est vrai que le rythme est extrêmement ambitieux. A ce stade, au niveau du solaire, les appels d'offre ont été relativement bien dotés, pour l'éolien il y a un ralentissement ces deux derniéres années. Au niveau européen, comme au niveau national, il y a eu des nouvelles lois pour accélérer le développement des renouvelables, comme l'octroi permis de construire, mais aussi la définition de 2% de chaque Land pour le déploiement des énergies renouvelables. A voir si ces résultats portent leurs fruits."

Le nucléaire, une tendance en baisse dans le monde

Un champ d'éoliennes derrière un champ de tournesols
Le gouvernement allemand veut augmenter à 80% la part des renouvelables dans le mix énergétiqueImage : picture-alliance/Bildagentur Huber

Au niveau mondial, la production d'électricité issue du nucléaire est en hausse, mais sa part diminue dans la production globale d'électricité et ne représente plus que 10%.

Le nucléaire ne joue aussi qu'un rôle mineur dans la lutte contre le changement climatique : la plupart des pays du monde ont privilégié le déploiement des énergies renouvelables comme objectif dans l'accord de Paris sur le climat. Selon Greenpeace, le nucléaire ne permet d'éviter que 2,5% des émissions de gaz à effet de serre à travers le monde. 

L'ONG vient d'ailleurs de déposer une plainte devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) contre la Commission européenne pour dénoncer la décision d'inclure le nucléaire, mais aussi le gaz fossile, dans la liste des investissements durables de l’UE.  

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Au Salvador, les gangs font peur, les autorités aussi

Graffiti sur un mur de la capitale salvadorienne représentant un homme aux yeux bandés
La liberté, victime collatérale de la guerre contre les gangs au SalvadorImage : Julien Delacourt/DW

Le Salvador vit depuis un an sous état d’urgence. Le gouvernement a décidé d’éradiquer les gangs qui terrorisent le pays depuis près de trente ans en mettant en place un régime d’exception.

Le président Bukele se vante d’avoir fait passer le Salvador du pays le plus dangereux au plus sûr d’Amérique latine en incarcérant plus de 67.000 personnes. Mais les arrestations arbitraires et des violations sont devenues le quotidien des habitants des zones les plus défavorisées.

Selon les défenseurs des droits, un quart des personnes arrêtées dans le cadre du régime d’exception seraient innocentes. Après les gangs, les Salvadoriens craignent les autorités. Ecoutez le reportage de Julien Delacourt au Salvador. 
 

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Politique, économie, histoire... Vu d'Allemagne est un podcast hebdomadaire sur l'Allemagne, avec un grand reportage international en seconde partie d'émission.