Par Olivier Saint-Faustin
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Dès 2035 dans l’Union européenne, les véhicules neufs ne devront plus émettre de CO2. Les moteurs thermiques, s’ils utilisent des carburants de synthèse, pourraient toujours être autorisés. Voici ce qu’il faut savoir

Après trois semaines de flou, la décision a été validée le 28 mars dernier : dès 2035, dans les 27 États membres de l’Union européenne, les automobiles neuves ne devront plus émettre de CO2, interdisant de fait les véhicules essence, diesel et hybrides, au profit du tout électrique. Cette décision signe-t-elle pour autant la fin du moteur thermique ? Pas exactement…

Sous la pression de l’Allemagne, Bruxelles s’est engagé, dans une proposition séparée qui devra être validée d’ici l’automne 2024, à ouvrir la voie aux carburants de synthèse...

Après trois semaines de flou, la décision a été validée le 28 mars dernier : dès 2035, dans les 27 États membres de l’Union européenne, les automobiles neuves ne devront plus émettre de CO2, interdisant de fait les véhicules essence, diesel et hybrides, au profit du tout électrique. Cette décision signe-t-elle pour autant la fin du moteur thermique ? Pas exactement…

Sous la pression de l’Allemagne, Bruxelles s’est engagé, dans une proposition séparée qui devra être validée d’ici l’automne 2024, à ouvrir la voie aux carburants de synthèse. Des véhicules équipés de moteurs thermiques devraient donc toujours pouvoir être commercialisés, à condition qu’ils utilisent exclusivement des carburants neutres en termes d’émissions de CO2. Décryptage.

1. Les carburants de synthèse, qu’est-ce que c’est ?

Les carburants de synthèse, également appelés e-carburants (pour électro-carburants) ou e-fuels, sont fabriqués à partir d’hydrogène. « Ils sont produits grâce à l’électrolyse qui transforme de l’électricité, a priori renouvelable ou bas carbone, en hydrogène, détaille Camille Defard, cheffe du Centre énergie de l’Institut Jacques-Delors et chercheuse en politique européenne de l’énergie. Ensuite, cet hydrogène est combiné à du CO2 pour faire des carburants de synthèse. »

Ces e-carburants ont « des propriétés très proches des carburants fossiles, reprend l’experte. C’est-à-dire qu’ils peuvent être utilisés dans les moteurs thermiques actuels, qui fonctionnent aux énergies fossiles, sans avoir besoin d’adaptation. »

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2. Sont-ils vraiment propres ?

Pour évaluer les émissions de CO2 d’un carburant, on en mesure l’empreinte carbone sur l’ensemble du cycle de fabrication. Concernant les e-carburants, cette empreinte carbone est « réduite d’au moins 70 % par rapport aux carburants pétroliers », assure le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Mais « ces e-carburants vont tout de même émettre du CO2, assure Camille Defard, parce que leur fabrication est assez énergivore. »

Deux étapes de la production de ces e-carburants sont « extrêmement » gourmandes en énergie, assure la spécialiste, citant « l’électrolyse et la fabrication du e-carburant à partir d’hydrogène ». Autre point : « Un moteur alimenté par un e-carburant émet à peu près autant de particules fines d’oxyde d’azote (NOx) qu’un carburant classique », poursuit Camille Defard.

Dès 2035, dans les 27 États membres de l’Union européenne, les automobiles neuves ne devront plus émettre de CO2.
Dès 2035, dans les 27 États membres de l’Union européenne, les automobiles neuves ne devront plus émettre de CO2.
AFP

3. Quelles sont leurs limites ?

Le caractère énergivore de ces e-carburants est le principal frein à leur développement. Leur production nécessite de grandes quantités d’électricité, idéalement verte. Le risque, selon Camille Defard, serait qu’on puise « dans l’électricité renouvelable actuelle pour fabriquer ces e-fuels alors même qu’on est en pleine crise énergétique et qu’on manque déjà d’électricité renouvelable ou bas carbone en Europe ». Et le même problème se pose concernant la production d’hydrogène vert, que l’Allemagne envisage d’importer massivement.

Aussi, la fabrication des carburants de synthèse nécessite de combiner cet hydrogène à du CO2. Et sur ce point, « on a deux technologies qu’on ne maîtrise pas très bien à grande échelle », note l’experte. « D’abord sur l’électrolyse à partir d’électricité renouvelable : aujourd’hui, on a seulement 5 % de l’hydrogène produit à partir d’électricité bas carbone… Donc il y a un problème d’échelle. Ensuite, le fait de capturer du CO2, c’est une technologie qu’on maîtrise encore assez mal. »

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Enfin, compte tenu de toutes ces contraintes, ces e-carburants vont être « très chers quand ils seront disponibles ». Résultat : « Ça va inciter les Européens à faire rouler leurs voitures à moteur thermique avec des carburants classiques », qui resteront accessibles aux véhicules d’avant 2035, souffle Camille Defard.

4. Une mauvaise idée ?

« Cette décision de l’UE d’autoriser les e-carburants, c’est une vraie défaite pour les politiques européennes de l’énergie et le pacte vert européen, assène la chercheuse. C’est très dommageable parce que ces voitures thermiques qui, soi-disant, pourraient rouler avec des e-fuels, vont se substituer à des voitures électriques. »

Camille Defard précise qu’elle n’est pas opposée aux e-carburants mais, selon elle, ils doivent être « réservés aux usages difficiles à électrifier ». « Utiliser de l’hydrogène pour faire rouler des voitures, c’est complètement absurde au vu des lourdes contraintes qui pèsent sur notre approvisionnement énergétique. Les e-carburants, ce n’est pas une mauvaise solution mais il faut prioriser les usages qui en ont le plus besoin », estime-t-elle, citant une possible utilisation par le transport maritime, aérien ou de marchandises.

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