Emmanuel Macron lors de la présentation du plan d'investissements "France 30" à l'Elysée, le 12 octobre 2021.

Emmanuel Macron lors de la présentation du plan d'investissements "France 2030" à l'Elysée, le 12 octobre 2021.

Ludovic MARIN / POOL / AFP

Il était attendu sur ce sujet. Et le président a répondu. Les premiers mots d'Emmanuel Macron lors de la présentation de son plan "France 2030" ont été pour le climat. "Le premier grand défi, c'est évidemment le défi climatique, environnemental (...) C'est un défi profond qui change nos moyens de produire, de produire d'abord de l'énergie, de faire l'industrie, de nous déplacer, de consommer, de nous alimenter." Mécaniquement, l'énergie et le climat se taillent une part importante du plan de 30 milliards annoncé ce mardi par le chef de l'Etat au titre de son plan "France 2030".

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Au total, huit milliards seront ainsi utilisés pour la décarbonation de la production de l'énergie et de l'industrie. Comme pressenti depuis plusieurs jours, le locataire de l'Elysée a une nouvelle fois fait un pas en direction du nucléaire et notamment des petits réacteurs modulaires, qu'il souhaite voir développés en France d'ici 2030. Les renouvelables ne sont évidemment pas mis de côté, obtenant une enveloppe de 500 millions d'euros.

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Au programme également, la décarbonation pour les industriels, gros consommateurs d'énergie. Le plan de bataille ? Baisser de plus d'un tiers les émissions des usines d'ici 2030 par rapport à 2015. Forcément, il s'agit d'un saut important pour une industrie qui n'a fait baisser les siennes que de 4% l'an dernier. Aciéries, cimenteries, chimistes bénéficieront de crédits "pour les aider à décarboner" a indiqué de le chef de l'Etat, ajoutant qu'il s'agira en la matière d'un investissement public et privé." Sur certaines technologies enfin, Emmanuel Macron veut que la France s'impose comme leader au niveau mondial. C'est le cas notamment pour l'hydrogène vert.

Un plan très "technologique"

Pour les observateurs, la coloration très technologique du discours du président fait sens. "On sent qu'il y a un focus fort sur la R&D et l'innovation, qui seront un des piliers essentiels pour la neutralité carbone à l'horizon 2050. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que 50% de la neutralité reposera sur le déploiement de solutions qui ne sont aujourd'hui pas sur le marché", indique Nicolas Berghmans, chercheur climat à l'IDDRI.

Attention à ne pas mettre tous les oeufs dans le même panier, complète Andreas Eisl de l'Institut Jacques Delors. Ce dernier regrette qu'à côté du nucléaire et des renouvelables, il n'y ait pas eu plus d'annonces sur les technologies encore naissantes comme la capture de carbone et le stockage de CO2. "Pour être leader mondial de la transition bas carbone, il faut savoir prendre le risque d'investir aujourd'hui, pour des solutions qui arriveraient à maturité dans 10 à 20 ans", explique-t-il. Quant aux investissements dans les technologies matures, comme l'EPR français par exemple, le chef de l'Etat a été peu bavard. "L'investissement dans les technologies de rupture est loin d'épuiser le financement de la transition. Comment on déploie les solutions existantes, c'est un pilier aussi important", rappelle encore Nicolas Berghmans.

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Le discours très technophile du président, mené dans un style proche des keynotes de certains patrons américains de la tech mondiale, n'a néanmoins pas convaincu l'ensemble des observateurs. Du côté de la Fondation Nicolas Hulot, on jugeait ce mardi en marge de la présentation que la "stratégie productive" du président et le "mirage du tout technologique" faisait "l'impasse sur la nécessaire sobriété." Rien de surprenant cela dit, pour un président convaincu que croissance économique et réduction des émissions de gaz à effet de serre sont compatibles.

La neutralité, c'est 100 milliards par an

Nicolas Berghmans alerte quand même sur le risque d'une politique techno-béate. "L'innovation ne doit pas être l'alpha et l'omega de la transition. Elle doit être couplée avec un changement de mentalité et de pratiques", note encore l'expert. En somme, produire de l'hydrogène décarboné, de l'acier ou du béton verts et des véhicules électriques ne sert à rien s'il n'y a personne pour l'acheter. Selon lui, il faudra surveiller de près les politiques d'achats, d'appels d'offres et de marchés publics émanant de l'Etat. Car ce dernier sera évidemment prescripteur pour les autres acteurs de l'économie.

Généraliser ces technologies à l'échelle du pays en jouant sur la demande... Le point est soulevé également par Benoît Leguet, directeur général d'I4CE - Institut de l'économie pour le climat. En la matière, il n'y a pas de secret. Les incitations fiscales, le prix du carbone évidemment, mais aussi réglementaires - obligation de rénovation des bâtiments, seuils d'émissions de CO2 pour les véhicules et les industriels - seront nécessaires. " Et l'Etat aura un rôle prépondérant à jouer pour l'accompagnement des ménages défavorisés", explique-t-il.

Problème, l'exécutif est jusqu'ici beaucoup moins prolixe sur cette question de financement. "On a de la visibilité jusqu'en 2022 avec le plan de relance (adopté en réaction au Covid, NDLR). Mais au-delà, il faut une feuille de route pour le déploiement à grande échelle de ces technologies", juge-t-il. L'I4CE, dans un précédent rapport, chiffrait à 100 milliards d'euros par an le besoin d'investissements publics et privés pour viser la neutralité carbone à horizon 2050. "On n'a pas vu ce type de chiffre. Ni dans le Projet de loi de finances, ni dans France 2030, ça commence à être urgent", alerte-t-il. La campagne présidentielle devrait sans doute permettre d'y voir plus clair.

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