Depuis le début de la guerre en Ukraine, le 24 février, les Européens savent qu’ils n’auront plus accès – avant longtemps – à l’énergie bon marché que leur a fournie pendant des années la Russie, et qu’ils pourraient même venir à manquer de gaz. Au fil des semaines, ils oscillent entre la crainte du rationnement et celle de voir les prix s’envoler à des niveaux stratosphériques.
Jusqu’à cet été, les Vingt-Sept ont eu pour obsession de faire des réserves de gaz, quitte à le payer très cher, afin de permettre à leurs pays de passer l’hiver 2022-2023 sans gaz russe. L’Allemagne, dont la puissante industrie était hautement dépendante de cet hydrocarbure, a ramassé cet été tout ce qui pouvait l’être sur les marchés, faisant s’envoler les cours pour ses partenaires européens.
Dès lors, dans certaines capitales, l’inflation du mégawattheure est devenue la première préoccupation. Mardi 13 décembre, les ministres de l’énergie des Vingt-Sept devaient une nouvelle fois discuter plafonnement du prix du gaz. A contrecœur, la Commission européenne a fini par leur proposer un mécanisme qui, en réalité, est calibré pour ne pas être utilisé… Les débats s’annoncent houleux et il n’est pas acquis qu’ils débouchent sur un compromis. Le 15 décembre, les chefs d’Etat et de gouvernement européens, qui doivent se retrouver à Bruxelles, pourraient donc également s’en saisir.
Partisans du laisser-faire
D’un côté, les partisans du laisser-faire, emmenés par l’Allemagne, redoutent qu’un plafonnement des prix fasse fuir les fournisseurs de gaz et/ou rebondir la consommation. « S’il n’y a plus de gaz, on s’en fiche qu’il soit bon marché », ironise un diplomate européen. « Intervenir sur le marché du gaz, c’est quelque chose qui n’a jamais été fait », s’inquiète un autre. « La conception actuelle du mécanisme proposé peut, dans certaines circonstances, compromettre la stabilité financière dans la zone euro », a averti la Banque centrale européenne, le 8 décembre.
Dans l’autre camp, plusieurs pays, dont l’Italie, qui n’ont pas les moyens budgétaires de Berlin pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises, craignent les conséquences économiques et sociales d’une inflation galopante. Mais ils savent aussi qu’ils ne peuvent pas prendre le risque que l’Allemagne vienne à manquer de gaz, tant leurs économies sont interdépendantes.
Le 24 novembre, les Vingt-Sept sont parvenus à un accord politique sur plusieurs textes qui, une fois en vigueur, pourraient également limiter les envolées excessives des prix mais les partisans d’un plafonnement du prix du gaz digne de ce nom refusent de les inscrire dans le marbre tant qu’ils n’auront pas obtenu partiellement gain de cause. Ainsi la proposition législative qui a pour objet d’accélérer la délivrance de permis pour les projets de fermes éoliennes et autres installations photovoltaïques, et donc la montée en puissance des renouvelables, n’a pas été adoptée. Pas plus que le texte – finalisé lui aussi – qui organise les achats en commun de gaz par les Européens ainsi que la solidarité entre les Vingt-Sept au cas où l’un d’entre eux viendrait à manquer de gaz.
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