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Décryptage

Gestion des migrants : la tentation croissante de l'externalisation

Plusieurs pays européens envisagent de confier à des pays tiers une partie de la gestion des arrivées de migrants, s'inspirant de l'accord conclu par le Royaume-Uni avec le Rwanda. Le seul qui ait abouti a été signé récemment entre l'Italie et l'Albanie.

La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a signé un accord avec son homologue albanais, Edi Rama, pour externaliser en Albanie une partie de la gestion des arrivées de migrants en Italie.
La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a signé un accord avec son homologue albanais, Edi Rama, pour externaliser en Albanie une partie de la gestion des arrivées de migrants en Italie. (Roberto Monaldo/LaPresse via AP)

Par Vincent Collen

Publié le 23 avr. 2024 à 17:53Mis à jour le 23 avr. 2024 à 18:13

La Grande-Bretagne ne fait plus partie de l'Union européenne, mais plusieurs Etats membres observent avec intérêt l'accord signé entre Londres et le Rwanda visant à déléguer au pays africain une partie de la gestion des arrivées de migrants. L'idée d'externaliser les procédures de demande d'asile dans un pays tiers fait son chemin au sein des Vingt-Sept, et certaines initiatives commencent à se concrétiser… au grand dam des ONG et des juristes qui redoutent un recul du respect des droits humains.

« L'idée n'est pas neuve, des projets ont vu le jour dès les années 2000, mais elle gagne du terrain en ce moment en dépit d'une grande complexité juridique et politique, commente Helena Hahn, chercheuse associée au European Policy Centre. Mais attention, chaque projet est différent et aucun ne va aussi loin que l'accord britannique avec le Rwanda pour l'instant ».

L'accord le plus abouti est celui qui vient d'être finalisé entre Giorgia Meloni, la Première ministre italienne, et son homologue albanais Edi Rama. Il prévoit de transférer une partie des migrants interceptés en mer par les garde-côtes italiens vers des centres fermés, sous juridiction italienne, qui seront construits en Albanie.

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Jusqu'à 36.000 demandes annuelles d'asile pourraient être traitées sur le territoire albanais, annonce Meloni. Soit une fraction seulement des flux totaux : l'Italie a reçu 136.000 demandes d'asile l'an dernier selon les statistiques de l'Union européenne.

« Un geste avant tout politique »

L'intégralité du projet sera financée par Rome, pour un coût évalué à quelque 600 millions d'euros sur cinq ans. « Même le personnel sera italien. Il s'agit uniquement d'un transfert d'une procédure italienne sur un territoire extérieur, reprend Helena Hahn. Le but principal du gouvernement est de dissuader les demandeurs d'asile de tenter d'arriver en Italie. »

« C'est un geste avant tout politique à destination de l'opinion publique italienne. Seule une petite proportion des migrants serait redirigée vers l'Albanie, ce n'est pas de nature à changer la donne », ajoute Jérôme Vignon, spécialiste des politiques migratoires à l'institut Jacques-Delors.

En théorie, l'accord italo-albanais respecte le droit européen et international, « parce qu'il s'agit d'un transfert sur un autre territoire, mais c'est bien le droit italien qui s'applique », décrypte Andreina De Leo, chercheuse à l'université de Maastricht. Les personnes vulnérables (mineurs, femmes enceintes…) ne pourront pas être détenues en Albanie.

Ceux qui sont éligibles au droit d'asile pourront entrer en Italie, de même que ceux dont le retour vers le pays d'origine s'avère impossible. « En pratique, il sera difficile d'appliquer les mêmes droits que sur le territoire italien, de mon point de vue », ajoute-t-elle.

Allemagne, Autriche, Danemark…,

L'Italie n'est pas la seule. En Allemagne, le gouvernement a annoncé qu'il « examinait » la question, sous la pression des libéraux du FDP qui font partie de la coalition au pouvoir. L'Autriche et le Danemark également, mais leurs projets n'ont abouti à rien de concret pour le moment. Signe des temps, le Parti populaire européen, qui regroupe la CDU allemande ou les LR français, a inscrit l'externalisation dans son nouveau programme , adopté à l'approche des élections européennes.

Vincent Collen

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