L’hiver, avec ses besoins en chauffage, touche à peine à sa fin qu’une question essentielle se profile pour le suivant. Comment réduire, à très court terme, l’ultradépendance de l’Union européenne (UE) aux livraisons de gaz russe ? Dit autrement : comment faire sans environ 40 % du gaz consommé et 45 % du gaz importé en 2021 à l’échelle de l’UE ? Ces pourcentages varient de pays en pays, la France étant largement en deçà (17 % de ses importations gazières en 2020), et l’Allemagne bien au-dessus (plus de 50 %). Mais le problème de l’UE reste entier vis-à-vis de la Russie, qui lui livre également pétrole et charbon.
Depuis le 24 février et l’attaque de l’Ukraine par l’armée russe, la sanction la plus efficace contre Moscou consisterait à assécher les importations en hydrocarbures, principales sources de devises du président Vladimir Poutine. Les Etats européens, pourtant, s’y refusent jusque-là ; la mesure les mettrait eux-mêmes en péril.
« L’utilisation par la Russie de ses ressources en gaz naturel comme une arme économique et politique montre que l’Europe doit agir rapidement », a déclaré Fatih Birol, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), rattachée à l’Organisation de coopération et de développement économiques. Le 3 mars, sans remettre en cause la libéralisation du marché, l’AIE a proposé des mesures pour sabrer plus d’un tiers de ces livraisons russes. En 2021, celles-ci s’élevaient à 140 milliards de mètres cubes (m3) par gazoduc, et 15 milliards de m3 par navire sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL).
Diversifier ses fournisseurs
Pour l’hiver prochain, la perspective de sanctions européennes ou d’une rétention russe fait planer « une incertitude considérable sur l’approvisionnement en gaz russe », selon M. Birol. Le 22 février, deux jours avant l’éclatement du conflit en Ukraine, le gouvernement allemand gelait déjà l’autorisation de mise en service du gazoduc Nord Stream 2. Par mesure de rétorsion, la Russie menace désormais de couper les vannes de… Nord Stream 1, selon la déclaration télévisée du vice-premier ministre, Alexander Novak, le 7 mars, cité par l’agence Bloomberg.
D’emblée, l’AIE préconise le non-renouvellement de tout contrat de long terme avec la Russie, soit 15 milliards de m3 à expiration dès 2022. L’UE pourrait remplacer 30 milliards de m3 russes par ceux d’autres fournisseurs. A travers des gazoducs (10 milliards de m3), par exemple depuis la Norvège ou l’Azerbaïdjan, la production de l’UE étant en déclin. Ainsi que par voie maritime (20 milliards de m3), les Etats-Unis et le Qatar ayant fait du commerce de GNL une spécialité. Là où les tuyaux contraignent le gaz à un marché régional, les navires le mondialisent – avec pour corollaire de le monnayer au prix fort, profitant de la concurrence entre la demande en Europe et en Asie.
Il vous reste 61.51% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.