menaceÇa veut dire quoi passer en « économie de guerre » ?

Guerre en Ukraine : Conséquences, mise en place… Les dessous de l'« économie de guerre »

menaceL’expression d'« économie de guerre » est à l’ordre du jour après deux ans de guerre en Ukraine et de stocks militaires qui s’épuisent
Des soldats de l'armée française chevauchent des chars « Leclerc » lors d'un défilé militaire marquant la fête nationale de la Roumanie à Bucarest, le 1er décembre 2023.
Des soldats de l'armée française chevauchent des chars « Leclerc » lors d'un défilé militaire marquant la fête nationale de la Roumanie à Bucarest, le 1er décembre 2023. - Daniel MIHAILESCU / AFP / AFP
Cécile De Sèze

Cécile De Sèze

L'essentiel

  • L’instabilité mondiale et notamment la guerre aux portes de l’Europe mènent l’UE à réfléchir davantage à son industrie de défense.
  • En France, le ministre des Armées affirme que l’industrie française a basculé « en partie dans une économie de guerre ».
  • Mais que veut dire cette expression ? Quelles conséquences ce type d’économie peut avoir sur la vie quotidienne ? Pourquoi elle n’est pas si simple à mettre en place ? Réponses avec Sylvie Matelly, économiste spécialiste des questions de défense et directrice de l’institut Jacques Delors.

Afin d’aider l’Ukraine mais aussi d’anticiper le spectre de la menace russe, l’Europe réfléchit à passer en économie de guerre en préparant un plan de soutien aux industries de défense. Sébastien Lecornu, ministre des Armées français, affirme d’ailleurs sur Radio Classique que l’industrie française a basculé « en partie dans une économie de guerre ».

Mais qu’implique cette expression ? Que change-t-elle concrètement dans la vie quotidienne ? Dans quels cas est-elle utile ? « Quand un adversaire bien identifié s’arme ou se réarme avec la ferme intention de nous attaquer, elle est indispensable », répond à 20 Minutes Sylvie Matelly, économiste spécialiste des questions de défense et directrice de l’institut Jacques Delors.

L’économie de guerre, c’est quoi ?

« C’est un qualificatif traditionnellement employé pour caractériser un pays qui réoriente une grande partie de ses moyens de production à l’effort de guerre », explique Sylvie Matelly. Autrement dit, quand un Etat passe en économie de guerre, toute son industrie est réorientée pour les besoins de la défense, directement ou indirectement. Les usines privées sont réquisitionnées par l’Etat pour non plus produire des voitures ou des jeans à la mode mais des chars et des uniformes.

Même chose pour le matériel médical ou les médicaments envoyés en priorité aux blessés sur le front. « C’est une planification qui vise à orienter la production nationale est détournée dans le but de remporter la guerre », ajoute la spécialiste des questions de défense. Elle se met en place « dans une perspective de préparation de la guerre donc lorsqu’« une menace est identifiée ou quand un pays voisin pas vraiment ami commence à s’armer », poursuit-elle.

Quelles conséquences concrètes ?

Pour la population, les conséquences vont se ressentir dans la vie quotidienne. Si l’industrie ne produit plus de voiture, il n’y a plus de voiture à acheter. « Une économie de guerre impose des arbitrages et des biens peuvent ne plus être disponibles car ils ne sont plus produits, les usines étant réquisitionnées pour produire des armes », résume Sylvie Matelly.

D’autant que l’argent public est en priorité engagé vers l’effort de guerre et sera mathématiquement moins dirigé vers les services publics. « Face à la guerre, la priorité devient l’armement, moins la santé ou l’éducation, illustre encore l’économiste ». Le pouvoir d’achat est aussi durement affecté lorsque toute l’économie est tournée vers le front.

Pourquoi ce n’est pas si simple à mettre en place ?

Les réquisitions des entreprises privées pour produire c’est bien, mais la question se pose dans une économie libérale. Concrètement, tant qu’il n’y a pas de guerre déclarée, comment forcer des entreprises à réorienter leur production ?

D’autant que la production seule pourrait ne pas être suffisante. « La difficulté à passer dans une économie de guerre aujourd’hui vient aussi de nos dépendances. Pour produire plus d’armes, il faut aussi plus de matières premières comme les terres rares, l’acier, le charbon ou encore des microprocesseurs que nous importons », pointe ainsi Sylvie Matelly. C’est pourquoi l’année dernière la France a d’ailleurs annoncé relocaliser la production de poudre propulsive pour les obus « avec un objectif de 1.200 tonnes de poudre par an », selon le ministre des Armées.

Pourquoi on en parle aujourd’hui ?

Le contexte international est inquiétant. De nombreux experts et observateurs tendent à penser que Vladimir Poutine ne compte pas s’arrêter à l’Ukraine. La menace est considérée comme sérieuse. De l’autre côté, les Etats-Unis, grands alliés de l’Europe et bien équipés, pourraient ne plus être le soutien historique qu’ils ont été si Donald Trump arrivait au pouvoir en 2024.

Une économie de guerre est alors mise en place de manière progressive. « Après la guerre froide, toute l’Europe a réduit les dépenses militaires et l’idée désormais est de revenir cet effort sur la défense, c’est-à-dire investir plus dans les outils militaires mais sans non plus sacrifier tout le reste », développe Sylvie Matelly. La France a déjà consenti des efforts depuis plusieurs années et elle reste. Elle reste aujourd’hui le pays de l’Union européenne « disposant des capacités militaires les plus étendues et d’une industrie diversifiée, elle est la seule à avoir la dissuasion nucléaire », relève l’économiste.

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