La Commission européenne est pressée de proposer le 20 juin une stratégie de sécurité économique qui permettra d’amorcer un débat au Conseil européen de fin juin. C’est un changement de paradigme pour les Vingt-Sept, qui ont bâti leur marché unique sur un modèle d’économie ouverte. Le contexte international l’impose.
La sécurité nationale est devenue centrale dans la politique économique de Xi Jinping comme dans celle de Joe Biden pour lequel le monde est à « un point d’inflexion et les intérêts vitaux du pays sont menacés ». Certes la rhétorique de Washington a évolué. On ne parle plus d’un découplage de l’économie américaine et de l’économie chinoise, qui est aussi peu réaliste que souhaité par les entreprises américaines.
Il s’agit comme les Européens de « dérisquer » : réduire les vulnérabilités liées à des dépendances excessives. Mais c’est bien un découplage technologique qui a été amorcé en octobre 2022 en coupant la Chine du savoir-faire américain de fabrication des semi-conducteurs.
L’UE a ses intérêts et ses contraintes
Il s’agit de freiner la capacité d’innovation de la Chine dans le secteur militaire, et ce découplage va s’étendre à l’intelligence artificielle, aux supercalculateurs et à la biotech, qui sont eux-mêmes des amplificateurs de puissance pour le pays qui est à la frontière technologique.
Une surenchère de mesures protectionnistes et de coercition économique entre les deux puissances prendrait les pays tiers en tenaille en les forçant à choisir l’un ou l’autre camp. Alors qu’au sommet d’Hiroshima du 30 mai les membres du G7 ont décidé de se coordonner pour « plus de résilience économique et de sécurité économique », les Européens entendent développer leur propre doctrine du « dérisquage » pour ne pas se contenter de s’aligner.
L’Union européenne a ses intérêts propres et des contraintes spécifiques. Elle dépend plus de la demande extérieure que les Etats-Unis. Le ratio des exportations rapporté au PIB était de 8 % pour les Etats-Unis en 2019 contre 15 % pour l’UE. Elle est aussi plus intégrée à l’économie chinoise que les Etats-Unis. Par ailleurs, la sécurité est une compétence des Etats membres. Il faut donc clarifier les objectifs des Européens.
Les risques d’une Chine plus isolée, donc plus agressive
Washington et Bruxelles s’accordent certes sur l’évaluation du risque systémique que représente une Chine qui entend promouvoir un nouvel ordre international aux caractéristiques chinoises. Mais Washington veut préserver son leadership technologique et militaire, là où les Européens doivent encore décider s’ils veulent d’abord renforcer la résilience de leurs chaînes d’approvisionnement ou se montrer plus offensifs vis-à-vis de la Chine.
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