Après le Digital Markets Act et le Digital Services Act, adoptés en moins de dix-huit mois en juillet 2022 par le Parlement européen, place à l’Artificial Intelligence Act, rédigé en à peine deux ans. « Un exploit » selon les mots du commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton, qui défendait l’AI Act début avril sur France Inter.
Le texte vise à réguler les usages de l’intelligence artificielle selon quatre niveaux de risques, allant du risque inacceptable entraînant l’interdiction pure et simple, aux systèmes autorisés qui n’auraient pas à montrer patte blanche.
Mais le temps législatif européen a beau être d’une impressionnante célérité, il n’est pas celui de l’innovation au niveau mondial. Les choses changent, et vite : c’est en 2018 que OpenAI, société détenue majoritairement par Microsoft, développe GPT-1. En mars dernier, le lancement de la quatrième version de ce « Genereative Pre-trained Transformer » a été annoncé. Ce dernier comporterait près de 170 000 milliards de paramètres, soit 10 000 fois plus que son prédécesseur.
Après le Digital Markets Act et le Digital Services Act, adoptés en moins de dix-huit mois en juillet 2022 par le Parlement européen, place à l’Artificial Intelligence Act, rédigé en à peine deux ans. « Un exploit » selon les mots du commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton, qui défendait l’AI Act début avril sur France Inter.
Le texte vise à réguler les usages de l’intelligence artificielle selon quatre niveaux de risques, allant du risque inacceptable entraînant l’interdiction pure et simple, aux systèmes autorisés qui n’auraient pas à montrer patte blanche.
Mais le temps législatif européen a beau être d’une impressionnante célérité, il n’est pas celui de l’innovation au niveau mondial. Les choses changent, et vite : c’est en 2018 que OpenAI, société détenue majoritairement par Microsoft, développe GPT-1. En mars dernier, le lancement de la quatrième version de ce « Genereative Pre-trained Transformer » a été annoncé. Ce dernier comporterait près de 170 000 milliards de paramètres, soit 10 000 fois plus que son prédécesseur.
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L’UE qui légifère : inertie ou arsenal ?
L’UE, trop occupée à légiférer pour réguler, se condamne-t-elle à se situer en marge de la compétition technologique mondiale ? « Il y a un réel sentiment de retard en matière d’innovation en Europe, surtout concernant les GAFAM et ce que cela implique en termes d’activités de supercomputing, d’IA… , analyse Elvire Fabry, chercheuse senior sur la géopolitique du commerce à l’Institut Jacques Delors. Certes, l’UE développe des projets d’intérêts commun, certains comme le cloud sont d’envergure, mais on est presque déjà dans une logique de rattrapage. » L’exemple du cloud est significatif : 85% du marché européen est détenu par des acteurs américains, et 13% seulement par des européens – un chiffre en baisse selon les données diffusées en octobre 2022 par le cabinet Synergy Research.
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Mais il ne faut pas oublier que réguler, c’est précisément le rôle de l’UE. « C’est vieux comme Adam Smith et David Ricardo : les économies se spécialisent là où elles ont un avantage comparatif. Celui de l’UE, c’est qu’elle sait manier la règle, c’est là que se situent les attentes vis-à-vis d’elle, et ce sont des compétences qui ont une réelle renommée à l’échelle mondiale. Donc il ne faut pas qu’elle s’en prive, avertit Sarah Guillou, économiste, directrice du département Innovation et Concurrence à l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE) et enseignante à SciencesPo. Par ailleurs, quand vous êtes les premiers à établir les règles du jeu, vous avez une longueur d’avance sur la concurrence. La forte expérience juridique de l’Europe lui donne non seulement une certaine capacité à s’adapter aux marchés, mais en plus ce sont les standards européens qui s’imposent. Mais cela peut se retourner contre elle : elle créé ainsi un temps d’adaptation qui peut rebuter les investisseurs.»
Régulation
Ensemble des mécanismes et des moyens permettant de maintenir l’équilibre d'une économie ou d’un marché de biens ou de services. Elle peut venir d'un État ou d'une instance internationale et être soit, globale - comme la Banque centrale avec l'inflation -, soit sectorielle (par exemple dans le secteur des transports avec l'interdiction des voitures thermiques).
Des concurrents mieux armés… car mieux financés
Comme souvent lorsqu’il s’agit d’Union européenne, la prise en compte de nouveaux défis passe par un savant enchainement de dates, de programmes et de traités communautaires. Ces derniers se saisissent de la question de la R&D dans les années 1980, où la question de la compétitivité technologique s’impose, face aux progrès réalisés par les puissances voisines (Etats-Unis, Chine et Japon). Des programmes-cadres pour la recherche et le développement économique sont alors mis en place, renouvelés tous les sept ans – l’actuel, lancé en 2021 et baptisé « Horizon Europe », est le neuvième du genre et est doté de près de 80 milliards d’euros.
« L’Europe a fait de nombreux efforts pour penser une politique commune de R&D et d’innovation, et dispose d’un réel niveau de compétence. » souligne Sarah Guillou. Mais ses concurrents principaux, la Chine et les Etats-Unis, bénéficient de deux avantages majeurs. « D’une part, et c’est là le nerf de la guerre, des capacités de financement que n’a pas l’Europe – grâce au recours à des fonds de capital-risque, culturellement beaucoup plus institués aux Etats-Unis, et grâce à un levier étatique sans commune mesure du côté chinois. D’autre part, ces géants économiques et géographiques disposent de marchés intégrés colossaux, ce qui n’est pas le cas de l’Europe. C’est sur cet aspect qu’elle doit concentrer ses efforts. »
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Le chemin est donc encore long pour faire de l’UE une puissance technologique, d’autant plus que la course au leadership technologique s’accélère, et les tensions entre Chine et Etats-Unis avec elle. « Il faut se rappeler que le découplage sino-américain est sectoriel. Il porte sur les technologies de rupture, ce qui concerne certes les technologies vertes mais aussi l’intelligence artificielle, les supercalculateurs, la biotech, etc. » rappelle Elvire Fabry. L’ « Inflation Reduction Act » ainsi que le « Chips and Science Act » américains visent ainsi non seulement la mise en place d’une production industrielle de masse sur le sol américain, mais aussi à réduire la dépendance vis-à-vis des technologies chinoises.
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En juillet 2022, la Commissaire européenne chargée de la Recherche, Mariya Gabriel, a présenté un agenda afin de stimuler les start-up et permettre leur croissance (le « scale up »). Le but ? Permettre à l’Europe de devenir « un endroit où l'innovation « deep tech » crée des solutions de pointe sur l'ensemble du continent. » De plans septennaux en augmentations du budget R&D (qui représente 2,32% du PIB de l’UE contre 3,45% du PIB aux Etats-Unis et 2,4% du PIB chinois en 2020 selon les chiffres de la Banque mondiale), l’UE cherche ainsi sa place entre deux géants qui ont à la fois su courir et partir à point.
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Dans le programme de SES
Terminale. « Quelles politiques économiques dans le cadre européen ? »