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TRIBUNE. La France a protégé l’Antarctique pendant la guerre froide. Et doit continuer à le faire

Pascal Lamy

Dans une tribune, Pascal Lamy et Geneviève Pons, respectivement ex-directeur général de l’OMC et directrice de l’institut Jacques-Delors, appellent la France à ne pas oublier la biodiversité glacée qu’elle a préservée par le passé.

Cet article est une tribune, rédigée par un auteur extérieur au journal et dont le point de vue n’engage pas la rédaction.

L’Antarctique est un désert de glace et de neige. Sa glace contient 70 % de l’eau douce de la planète, et l’océan Austral, qui encercle l’Antarctique, foisonne d’une faune marine dont des coraux, des crabes, des baleines, des phoques et des manchots. Des algues et des crustacés microscopiques, appelés krill, servent de nourriture à tout un écosystème qui, à son tour, alimente l’océan dans son ensemble. L’océan produit entre 50 et 80 % de l’oxygène que nous respirons et absorbe plus de 25 % du dioxyde de carbone que nous émettons. Il est un des principaux écosystèmes dont dépend toute forme de vie sur Terre.

Mais la crise climatique et la perte de la biodiversité exercent une pression extrêmement forte sur l’océan Austral et sur l’Antarctique, dont la fonte de la calotte polaire a des répercussions sur les écosystèmes marins locaux et mondiaux.

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Dans les semaines à venir, la France sera amenée à poursuivre une action décisive pour protéger l’Antarctique et l’océan Austral : du 1er au 11 juillet, la réunion consultative du Traité sur l’Antarctique (RCTA) se tiendra à Prague, où les discussions porteront en grande partie sur la préservation de l’environnement. Nous devons tirer les leçons du passé pour mieux prévoir l’avenir.

Aire marine protégée

En 1959, la France faisait partie des premiers pays signataires du traité sur l’Antarctique, un accord innovant qui, au plus fort de la guerre froide, consacrait l’Antarctique à la paix et à la promotion de la science. En 1982, la France devenait également un membre fondateur de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR).

En 1991, la France et l’Australie lançaient le Protocole au traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement, qui renforçait la protection de l’Antarctique et de l’océan Austral. Ce Protocole instituait l’Antarctique comme « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science », en établissant une interdiction générale de toute activité liée aux ressources minérales, sauf en cas de recherche scientifique.

En 2011, la France et l’Australie proposaient dans le cadre de la CCAMLR la création d’une aire marine protégée dans l’Antarctique oriental. La proposition allait subir plusieurs modifications restreignant le niveau de protection envisagé, afin d’assurer le consensus requis pour l’obtention d’un accord. Malgré tout, cette zone concerne d’importantes ressources pour les populations de mammifères et d’oiseaux de l’Antarctique, dont les manchots empereurs et les manchots Adélie. La protection de ces zones devait préserver des pans représentatifs de la biodiversité que l’on peut trouver sur les fonds marins de l’Antarctique, ainsi que des espèces ciblées par la pêche, telles que le krill. Huit ans après la première proposition, les efforts visant à conclure un accord sur l’aire marine protégée dans l’Antarctique oriental sont désormais cruciaux, à l’heure où nous avons tous conscience de l’urgence de sa protection.

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La réunion de Prague marquera le soixantième anniversaire du traité sur l’Antarctique, et offrira à la France une occasion majeure de recueillir les soutiens qui lui manquent pour assurer la protection de l’Antarctique oriental. Ce traité a constitué une démonstration extraordinaire de solidarité internationale au plus fort de la guerre froide, dans un contexte de possible annihilation nucléaire. La France y a joué un rôle crucial.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à la menace plus forte encore de la crise climatique et de la perte de la biodiversité. La France peut, et doit continuer à construire ce mouvement de solidarité internationale. C’est ce que nous avons fait en 2015 avec l’Accord de Paris sur la crise climatique. Aujourd’hui, grâce à son leadership et en tant que présidente du G7, la France occupe une position idéale pour ouvrir une nouvelle phase de protection pour l’Antarctique et l’océan Austral. Donnons-nous les moyens de gagner cette bataille !

Pascal Lamy est l’ex-directeur général de l’Organisation mondiale du commerce et actuel président du comité exécutif du Forum de Paris sur la Paix.

Geneviève Pons est la directrice de l’Institut Jacques-Delors à Bruxelles et a été directrice du bureau européen du WWF, désignée comme l’une des vingt femmes les plus influentes de Bruxelles en 2018.

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