La question est au cœur des tensions entre la France et l’Allemagne. Emmanuel Macron et Olaf Scholz devaient tenter, mercredi 26 octobre, à Paris, de rapprocher leurs positions sur les enjeux de souveraineté, dans des domaines comme la défense et l’énergie, où Français et Allemands sont loin d’être d’accord. Si aucune percée n’est attendue, les deux dirigeants devraient au moins tenter de sauver les apparences, quelques jours après le report sine die d’un conseil des ministres franco-allemand.
Pour les Européens, c’est l’un des cruels paradoxes de l’invasion russe de l’Ukraine : le retour de la guerre sur le continent valide, sur le papier, la quête de « souveraineté européenne » qu’Emmanuel Macron appelle de ses vœux depuis 2017 et que partage le chancelier allemand, à en croire le discours qu’il a prononcé à Prague, le 29 août. « La souveraineté européenne signifie essentiellement que nous devenons plus autonomes dans tous les domaines, que nous assumons une plus grande responsabilité pour notre propre sécurité, que nous sommes encore plus unis pour défendre nos valeurs et nos intérêts dans le monde », avait alors dit le chancelier allemand.
En réalité, le conflit rend cette ambition difficile à réaliser, tant les urgences du moment mettent à l’épreuve l’indépendance et la cohésion des Vingt-Sept, à commencer par celle du tandem franco-allemand. « Le contexte géopolitique donne raison à l’agenda d’Emmanuel Macron, mais la recherche d’une souveraineté européenne ne va pas forcément se faire selon les vues françaises, estime Thierry Chopin, conseiller spécial de l’Institut Jacques Delors. L’Allemagne a les capacités de réagir sans suivre la ligne française. » Pour lui, le « changement d’époque » prôné par Olaf Scholz dès le début du conflit, avec la création d’un fonds spécial de 100 milliards d’euros destiné à moderniser l’armée allemande, démontre que Berlin dispose de moyens qui manquent à la France. La décision de la coalition allemande, fin septembre, d’engager 200 milliards d’euros d’aide aux foyers et entreprises fragilisés par l’envolée des prix de l’énergie a confirmé ce sentiment. D’où la crainte, à Paris, d’un nouveau décrochage, en particulier sur les plans militaire et économique.
« Aveu de faiblesse »
La préoccupation est d’autant plus vive que l’Allemagne voit conforter sa position de pays pivot situé au centre de l’Europe, surtout dans l’hypothèse de nouveaux élargissements aux Balkans, voire un jour à l’Ukraine, tandis que la France redoute d’être marginalisée sur le flanc ouest du continent. « Cet accès de tensions peut être aussi un aveu de faiblesse de la part de Paris », estime Thierry Chopin.
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