La guerre russe en Ukraine menace aussi la transition énergétique de l'Europe

Alors même que les Vingt-Sept réfléchissent à des alternatives aux hydrocarbures qu'ils importent de Russie, un tel changement de stratégie pourrait bien s’avérer néfaste pour le climat, du moins à court terme. Car pour combler les immenses besoins en gaz et assurer la sécurité d’approvisionnement à l’hiver prochain, les pays de l'Union européenne pourraient faire appel au combustible fossile le plus polluant de tous, le charbon. Analyse.
Marine Godelier
Mine de charbon en Allemagne
Mine de charbon en Allemagne (Crédits : Reuters)

Parmi les nombreuses questions que soulève l'offensive russe en Ukraine, celle de la transition énergétique réellement opérée par les pays européens retient particulièrement l'attention. Force est de constater que les Vingt-Sept continuent de s'alimenter abondamment en pétrole, charbon et autre gaz provenant de Russie, malgré la multiplication des sanctions des puissances occidentales. Difficile, en effet, de s'en passer du jour au lendemain alors que les combustibles fossiles représentent toujours plus de 70% de la consommation finale d'énergie du Vieux continent, pour faire tourner les usines, chauffer les logements ou faire fonctionner les transports.

Dans ce contexte, la volonté de couper le cordon avec Moscou pourrait-elle pousser l'Europe à s'en éloigner plus rapidement ? A priori, le renchérissement de ces hydrocarbures, lié aux tensions qui pèsent sur leur approvisionnement, les rend en tout cas moins attractifs. Et pourtant, dans les faits, la situation ne profitera pas forcément aux sources d'énergie les moins carbonées, bien au contraire.

Hausse de l'extraction locale de charbon

Car, alors que le cours du gaz atteint des niveaux historiquement hauts et que les installations nucléaires et renouvelables ne suffiront pas à court-moyen terme, « l'Union européenne va sûrement redémarrer des centrales à charbon sur son territoire pour produire son électricité », explique Jacques Percebois, directeur du Centre de Recherche en Economie et Droit de l'Energie (CREDEN). Et ce, même si la Commission européenne a récemment labellisé comme « vert » le gaz dans sa taxonomie afin d'orienter les investisseurs vers cette activité « de transition ».

« Le fait que le gaz soit intégré au paquet finance durable de Bruxelles peut fonctionner pour attirer les capitaux et financer des centrales au gaz, mais uniquement si l'approvisionnement en gaz est sécurisé. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui avec le conflit russo-ukrainien », précise Jacques Percebois.

Ainsi, en Allemagne, « à Brandenburg [où une exploitation minière à ciel ouvert permet d'extraire du lignite, ndlr], on est déjà en train de dire qu'il faut augmenter les capacités pour faire face à la crise », illustre Thomas Pellerin-Carlin, directeur du centre Energie à l'Institut Jacques Delors et co-auteur d'une note récente sur la transition énergétique allemande. Or, même s'il est produit localement et permet à l'Europe de gagner en indépendance, le lignite est le combustible le plus polluant de tous.

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Souveraineté énergétique

Dans ces conditions, « la lutte contre le réchauffement climatique va sans doute passer au deuxième plan », estime ainsi Jacques Percebois. Car l'urgence liée à la situation géopolitique ramène désormais sur le devant de la scène un autre aspect majeur de la politique énergétique : celui de la souveraineté des Etats en la matière. « Le prix à payer, ce sera les émissions de CO2 supplémentaires », regrette l'économiste.

« Classiquement, les pays européens tentent de concilier trois types d'objectifs sur l'énergie : le respect de l'environnement, la sécurité d'approvisionnement et la compétitivité. Depuis 2019, avec le Pacte vert de la Commission européenne, le climat semblait, sur le papier, l'emporter sur le reste. Aujourd'hui, on voit clairement que la situation a changé », abonde Thomas Pellerin-Carlin.

Contenir la demande ?

Face à ces défis, mettre en place des mesures de réduction de la demande d'énergie pourrait s'avérer utile, à la fois pour le climat et pour la sécurité d'approvisionnement des Vingt-Sept. Selon une note publiée ce lundi par le centre de réflexion européen Bruegel intitulée « Se préparer au premier hiver sans gaz russe », c'est même une condition sine qua non pour espérer pouvoir se passer de notre voisin de l'Est d'ici à l'hiver prochain, aux côtés notamment d' « importations records » de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance, par exemple, des Etats-Unis ou du Qatar. A l'échelle du continent, cette sobriété dans les comportements des consommateurs pourrait même permettre de « supprimer » jusqu'à 300 TWh de gaz, selon le document.

Mais sur le plan politique, cette notion reste en partie taboue. Y compris en France, où le débat public semble pour l'heure se focaliser sur l'efficacité énergétique permise par le progrès technique, plutôt que d'interroger les usages.

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Marine Godelier

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Commentaires 9
à écrit le 04/03/2022 à 3:04
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On découvre stupéfait ,on réfléchi et on applaudi . Déjà pour la conversion ,il faut que l'Europe fabrique : des onduleurs ,des batteries ,des composants électroniques ect..Il faut donner du travail aux européens et acheter européen pour la transitio...

à écrit le 03/03/2022 à 21:54
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Pauvre petite transition énergétique. Déjà qu’elle n’allait pas bien, entre les éoliennes sans vent, et toute l’électricité pompée par le minage du bitcoin. On va bientôt revenir à la lampe à pétrole, à ce train là. Après la 3ième guerre mondiale d...

à écrit le 03/03/2022 à 14:15
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he ben faut relire ce que j'ecris depuis 10 ans, ca n'est une surprise pour personne, pas plus que les etats vont ' decouvrir avec stupefaction' que quand le petrole va flamber ecologiquement, ils vont distribuer des cheques pour polluer, histoire de...

à écrit le 03/03/2022 à 14:09
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La transition énergétique de l'Europe est une fumisterie, au même titre que la pandémie de Covid-19

à écrit le 02/03/2022 à 19:19
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Tant mieux ! La transition énergétique et son corollaire l'écologisme à la Rousseau/Jadot (je n'ai pas dit l'écologie) n'est que le prétexte pour imposer de force la dictature planétaire du nouvel ordre mondial piloté par Schwab et le WEF, Gates et l...

à écrit le 02/03/2022 à 8:15
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la derniere phrase est la plus importante. il faut que nous baissons notre consommation. je reconnais que c est plus afciel a dire qu a faire. mais on ne meurt pas si on chauffe moins sa maison ou si les vitrines ne sont pas eclairees la nuit (ou si ...

le 03/03/2022 à 10:03
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C'est sûr que chez soi le nombre de choses à réduire est souvent limité. Je chauffais à 18°C puis 17°C au gaz, ça sera 16° l'an prochain (je fais des moyennes sur 3 ans pour voir les effets sur les kWh et donc le CO2 émis), il suffit de se couvrir un...

à écrit le 02/03/2022 à 8:09
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Ah ben voilà on pourra dire que ça aussi c'est la faute aux russes !

à écrit le 02/03/2022 à 8:03
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La transition energetique a just commence: moins des humaines. Le vrai probleme.

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