La primauté du droit européen est-elle menacée ?

L’arrêt du Tribunal constitutionnel polonais pourrait-il constituer un premier pas vers une sortie de la Pologne de l'Union européenne ? ©AFP - JOHN THYS
L’arrêt du Tribunal constitutionnel polonais pourrait-il constituer un premier pas vers une sortie de la Pologne de l'Union européenne ? ©AFP - JOHN THYS
L’arrêt du Tribunal constitutionnel polonais pourrait-il constituer un premier pas vers une sortie de la Pologne de l'Union européenne ? ©AFP - JOHN THYS
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Le cas de la Pologne est représentatif d'un mouvement en cours, présent à l'Est comme à l'Ouest qui vise à remettre en cause la primauté du droit européen, et ainsi la compétence de la Cour de justice de l'UE. Mais l'Europe peut-elle fonctionner sans appliquer des règles uniformes à tous ?

Avec
  • Max-Erwann Gastineau Essayiste, il a publié "Le Nouveau procès de l’Est" (Éditions du Cerf, 2019)
  • Emmanuelle Bribosia Professeure en droit européen et droits fondamentaux à l’Université Libre de Bruxelles et aussi vice-présidente de l'Institut d’Etudes européennes
  • Thierry Chopin Professeur de science politique à l'Université catholique de Lille, conseiller spécial à l’Institut Jacques Delors

"Pistolet sur la tempe", "tentation impériale européenne", "chantage de l’Union", ce sont les expressions utilisées par le gouvernement polonais pour qualifier le conflit constitutionnel entre la Pologne et l’Union européenne qui a franchi un nouveau cap cette semaine avec l’astreinte d’un million d’euros par jour imposée à la Pologne par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). 

Une décision qui s’ajoute à la décision de la Commission de retenir le versement des 36 milliards du plan de relance. Pourquoi ? En raison de la décision, le 7 octobre dernier, du tribunal constitutionnel polonais de juger certains articles des traités de l’Union incompatibles avec la Constitution polonaise. Une décision risquée, mais applaudie en France aussi bien par Marine Le Pen que par Arnaud Montebourg qui, comme Michel Barnier, considèrent, à des degrés divers et sur des thèmes différents, que la primauté du droit européen entrave la souveraineté nationale d’un pays comme la France

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Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Thierry Chopin, professeur de science politique à l'Université catholique de Lille, Emmanuelle Bribosia, professeure en droit européen et droits fondamentaux à l’Université Libre de Bruxelles et Max-Erwann Gastineau, essayiste, qui a publié "Le Nouveau procès de l’Est" en 2019.

"Sur la question de la primauté du droit européen, je pense quand  même qu'il faut rappeler que si le droit européen ne primait pas sur le droit national, ça supposerait quand même que chaque pays serait libre de suivre uniquement les règles qui lui plaisent, et l'Union européenne de ce point de vue là ne serait guère plus qu'une sorte d'ONU régionale sans réelle efficacité" Thierry Chopin

"Dans le cas de la décision qui a été adoptée le 7 octobre par le tribunal constitutionnel polonais, il y a, selon moi, une remise en cause frontale, et l'Union européenne, elle-même, par les décisions que la Cour de justice avait adoptées, n'avait pas outrepassé ses compétences. Certes, il y avait un impact sur les réformes judiciaires mais par le biais de l'indépendance des juges, or l'indépendance des juges est un préalable pour permettre que le droit de l'Union européenne puisse s'appliquer dans l'ensemble de l'Union, de manière uniforme" Emmanuelle Bribosia

"La question de l'indépendance de la justice peut être rattachée à la question de l'État de droit qui fait, en effet partie des valeurs fondamentales européennes listées à l'article 2. Mais la distinction entre ce qui relève du pré carré des États et des compétences de l'UE était un peu floue et pouvait donc faire l'objet d'interprétation de la part des institutions communautaires. C'est parce qu'il y a une certaine marge de manœuvre vis-à-vis de l'action de la Cour de justice européenne, que les États ont mis en place un certain nombre de mécanismes qui leur permettent de rappeler un certain  nombre de limites" Max-Erwann Gastineau

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