L'Union européenne veut continuer à réduire ses émissions de gaz à effet de serre en 2030, mais la volonté de préserver la compétitivité de ses industries et l'absence d'engagements des autres grands pollueurs brident ses ambitions.

L'Union européenne veut continuer à réduire ses émissions de gaz à effet de serre en 2030, mais la volonté de préserver la compétitivité de ses industries et l'absence d'engagements des autres grands pollueurs brident ses ambitions.

afp.com/Philippe Huguen

NON. "Les résultats sur la réindustrialisation de l’Europe risquent de ne pas être au rendez-vous"

Par Alexandre Saubot, président de France Industrie

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Faire de l’Europe un continent à la pointe de la lutte contre le réchauffement climatique est une belle ambition. Y parvenir sans affaiblir notre industrie et réduire notre souveraineté est un défi redoutable.

Le constat est sans appel. Les menaces sont nombreuses pour notre industrie. Sa compétitivité s’érode au profit d’autres parties du monde où ses concurrents bénéficient de plans massifs de soutien et de charges moindres.

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Afin de rester un acteur majeur d’une économie sans CO2, l’Europe doit accompagner la décarbonation de l’industrie de manière compétitive. Si je salue l’attention politique portée à la réindustrialisation de l’Union européenne et les efforts consentis ces derniers mois, je suis préoccupé par les effets que nous pouvons en attendre. La Commission a priorisé le consensus plutôt que l’ambition. Sur des sujets cruciaux, cette méthode produit des textes plus complexes qu’efficaces. Je m’interroge sur l’impact réel d’une approche qui se focalise sur l’administration des dossiers et non la réalité des entreprises. Nos concurrents ont compris que la force d’un instrument de décarbonation réside dans sa clarté, sa simplicité et sa rapidité de déploiement. A l’instar de l’Inflation Reduction Act (IRA), cet instrument européen devrait inciter à l’investissement et simplifier les règles. Nous en sommes loin.

De plus, le périmètre du Net Zero Industry Act (NZIA) présenté récemment par la Commission européenne est plus que partiel. Des technologies décarbonées (le nucléaire notamment) ou des matières premières clefs ne sont pas prioritaires alors que l’urgence de la décarbonation nécessite de considérer l’ensemble des outils de manière technologiquement neutre.

Enfin, recycler l’argent non utilisé du plan de relance européen et déléguer le dimensionnement financier du NZIA à des Etats aux moyens hétérogènes et aux priorités parfois antagonistes ne suffira pas à donner dans la durée aux acteurs économiques la visibilité nécessaire à des décisions d’investissement aussi lourds et incertains.

En somme, si l’ambition européenne est légitime, la réponse semble insuffisamment ambitieuse et rapide au regard des moyens mis sur la table par les Etats-Unis.

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OUI. "La prise de conscience de l’Europe sur les risques de désindustrialisation a été rapide"

Par Elvire Fabry, chercheur senior à l’Institut Jacques Delors

Dans le fonctionnement de nos institutions européennes, le temps de réaction est toujours un sujet critique. Reconnaissons-le, cette fois, l’Union Européenne a été à la hauteur de la menace qui pèse sur son industrie. Entre le moment où l’IRA a été présenté par le président Biden en août et la première présentation du plan européen, en février, il s’est écoulé six mois ! Un temps très court au regard du fonctionnement de l’UE. Les distorsions de concurrence liées à des écarts énormes de coûts de l’énergie entre les Etats-Unis et l’Europe existaient avant le plan Biden mais ce dernier a amplifié un phénomène qui devient aujourd’hui très préoccupant : le risque d’une nouvelle vague de désindustrialisation frappant l’Europe est donc bien réel.

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Reste que le Net Zero Industry Act présenté par la Commission de Bruxelles est ambitieux. D’abord parce qu’il n’est pas seulement défensif. Il vise aussi à ce que l’Europe prenne sa part dans l’explosion des technologies vertes dans le monde entier. Pour cela, deux outils sont sur la table. Le premier pilier : un choc de simplification qui vise à harmoniser le système des aides d’Etat dans l’union Européenne avec un bureau unique par pays et un seul interlocuteur. C’est un élément essentiel car dans cette bataille la rapidité est un élément essentiel. Aux Etats-Unis, une partie de l’IRA est basée sur un système de crédit d’impôts ce qui est beaucoup plus simple et rapide que le versement de subventions qui supposent la constitution de dossiers… Deuxième pilier : la flexibilisation des aides d’Etat. Certes le mécanisme est encore complexe car il s’agissait aussi pour l’Europe d’éviter de créer des déséquilibres au sein même de l’UE entre les Etats qui avaient les moyens de soutenir leurs industries et les autres. Mais le changement de culture et là et profond. Enfin, cette stratégie doit être élargie et prolongée au-delà des technologies vertes. L’IRA a aussi révélé à l’Europe ses dépendances aux technologies chinoises et les menaces de restrictions d’exportations brandies par Pékin sont inquiétantes. La présidente la Commission européenne a promis un plan au début de l’été pour assurer la sécurité économique de l’UE. Un prolongement essentiel.

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