La Croix : La nouvelle coalition au pouvoir en Allemagne veut avancer à 2030 la sortie du charbon, prévue jusqu’alors en 2038. Cet objectif vous semble-t-il réaliste ?

Thomas Pellerin-Carlin : C’est ambitieux, mais pas facile à réaliser, même s’il n’y a pas d’obstacles techniques majeurs. Le charbon représente aujourd’hui environ 25 % de la production d’électricité en Allemagne. Le remplacer par beaucoup d’énergies renouvelables et un peu de gaz est faisable, mais va exiger des investissements très importants et rapides.

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En l’espace de vingt ans, les renouvelables sont déjà passés de 7 % à 45 % de la production électrique, c’est remarquable. Aller plus loin implique d’accélérer encore, alors que l’on a observé un ralentissement du déploiement ces dernières années. Des obstacles sont aussi à surmonter. Beaucoup de capacités renouvelables sont dans le nord du pays alors qu’une grande partie des besoins sont dans le sud. Il faut construire des lignes à haute tension et surmonter les réticences des populations. Les lignes peuvent être enterrées, mais cela coûtera beaucoup plus cher.

L’Allemagne sera-t-elle obligée d’importer plus de gaz, russe notamment ?

T. P.-C. : Pas forcément. Mais tout va dépendre de la capacité de l’Allemagne à investir très vite dans les renouvelables. La part du gaz, qui représente 16 % de la production d’électricité, pourrait alors ne pas augmenter beaucoup plus. À l’inverse, si le pays demeure en dessous de ses objectifs de déploiement solaire et éolien, il aura besoin de plus de gaz.

Quelles peuvent être les conséquences de cette nouvelle stratégie sur le marché électrique européen ?

T. P.-C. : Plus l’Allemagne va installer de renouvelables, plus les prix de l’électricité seront bas quand il y aura du vent et du soleil. À l’inverse, ils seront plus élevés quand il n’y en aura pas. La volatilité des prix jouera donc dans les deux sens et incitera à consommer de l’électricité au moment où elle sera peu chère. Cela joue en faveur, notamment, des pompes à chaleur et de la production d’hydrogène.

La sortie anticipée du charbon en Allemagne aura aussi des conséquences pour la France. Nous risquons d’être affectés, car nous dépendons beaucoup, à la pointe du soir en hiver, de l’électricité produite par les centrales à charbon allemandes. Faute d’avoir voulu faire les investissements nécessaires, nous manquons, en effet, de capacités pour répondre à la pointe de consommation en hiver, très élevée du fait du développement du chauffage électrique. La fin du charbon en Allemagne va obliger la France à trouver d’autres solutions, comme la réduction de la consommation via une meilleure isolation des bâtiments.