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La transition énergétique française risque d’être en retard

(Montel) Une trajectoire de consommation électrique en France plus basse qu’espérée risque de mettre en péril l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050, alertent des experts du secteur.

La France mise sur une réduction de l'utilisation des combustibles fossiles et une augmentation de la consommation d'électricité pour atteindre ses objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Le gestionnaire de réseau (GRT) RTE privilégie un scénario dans lequel la consommation annuelle d'électricité passerait de 445 TWh en 2023 à 580-640 TWh en 2035. Toutefois, cet objectif a peu de chances d'être atteint dans un contexte économique dégradé, selon les analystes.

Signaux négatifs
« Les signaux actuels ne sont pas positifs, ce qui aura pour conséquence un retard dans la transition énergétique », a dit à Montel Phuc-Vinh Nguyen, de l’institut Jacques Delors, faisant référence à l’augmentation des tarifs régulés de l’électricité, aux conditions de financement dégradées et à la baisse des subventions publiques.

L'année dernière, la consommation d'électricité en France a baissé de 3,2% en raison de la flambée des prix. Depuis le début de l'année, elle est restée inférieure à la moyenne de 2014-2019, marquant une baisse de 8,5% au cours des quatre semaines précédant le 7 avril, selon les derniers chiffres du GRT.

En conséquence, la France, qui tire la moitié de son énergie des combustibles fossiles, devrait s'orienter vers un scénario moins optimiste de 540 TWh de consommation d'électricité par an en 2035, a déclaré un cadre de l'industrie ayant souhaité garder l’anonymat.

« Il n’y a pas [actuellement] de signe de reprise » de la consommation électrique, a dit ce dirigeant. À court terme, il prévoit une tendance baissière, citant des « incertitudes » sur le régime post-Arenh à partir de 2026.

Alors que les prix de gros sont orientés à la baisse, les industriels sont réticents à signer des contrats à long terme avec EDF dans le cadre de l’accord sur la régulation qui doit succéder au tarif régulé Arenh.

Les experts s’attendent néanmoins à un rebond de la demande avant la fin de la décennie, tiré par l’électrification des modes de production, de chauffage et de transport. Toutefois, il n’est pas possible « d’affirmer de manière précise quand cette inflexion interviendra dans de grandes proportions », précise le dirigeant.

« Fonds entamés »
Il faut que « les grands projets industriels se concrétisent » pour que la consommation d'électricité augmente, souligne Thomas Veyrenc, en charge de la prospective et de la stratégie chez RTE, faisant référence au secteur naissant de l’hydrogène bas-carbone.

Pourtant, jusqu'à présent, la France n'a déployé que 30 MW de capacité de production d'électrolyse, comparé à l'objectif de 6,5 GW d'ici à 2030, selon l'observatoire industriel Vig'Hy.

La crise des prix de l'énergie de 2022 a « sérieusement entamé » les fonds disponibles pour investir dans la décarbonation, a déclaré Yves Le Thieis, vice-président de Compass Lexecon. « Cela ralentira la réalisation de nos objectifs à court terme. »

En outre, les fabricants comparent l'Europe, où les prix de l'énergie sont plus élevés et où la mise en œuvre peut être plus difficile, avec d'autres régions du monde, a souligné M. Veyrenc.

« Nous devons investir maintenant si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques, sinon la marche sera d'autant plus haute », a dit M. Nguyen.