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Europe

L'arme fatale économique de l'Union Européenne contre la Pologne

La remise en cause par la Pologne de la primauté du droit européen accroît les tensions avec la Commission. Ses moyens de rétorsion? Avant tout économiques.

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Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki et Ursula von der Leyen, le 13 juillet, à Bruxelles. Pour la présidente de la Commission européenne, la position polonaise relève du casus belli.

V. Mongelli - Hans Lucas via AFP

C'est bien plus qu'un gros pavé dans la mare européenne. Alors que les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union se retrouvent ces 21 et 22 octobre à Bruxelles, l'arrêt du Tribunal constitutionnel polonais - qui affirme la primauté du droit national sur le droit européen -sonne comme une déclaration de guerre. Certes, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki exclut l'option "Polexit". Mais pour la Commission européenne, cette décision relève bien du casus belli.

"Nos traités sont très clairs, le droit de l'Union européenne prime sur le droit national, y compris sur les dispositions constitutionnelles" , a déclaré sa présidente Ursula von der Leyen.

Cette nouvelle provocation de Varsovie s'inscrit dans la guerre qui l'oppose depuis maintenant plus de deux ans à l'Union européenne au sujet de la réforme de son appareil judiciaire. D'un côté, la Pologne affirme que celle-ci vise à assainir un système corrompu et que l'Europe n'a pas à s'en mêler. De l'autre, Bruxelles considère qu'elle porte atteinte à l'indépendance de la justice et menace l'Etat de droit.

Lire aussiTensions entre la Pologne et l'UE: y a-t-il un risque de "Polexit"?

Plan de relance non avalisé

Soupçonnée de mollesse vis-à-vis de la Pologne, mais aussi de la Hongrie - également mise en cause sur le respect des règles démocratiques -, la Commission doit montrer les muscles. Certains évoquent la suspension temporaire du droit de vote polonais au Conseil européen. Mais cette sanction très politique est loin de faire consensus au sein des autres pays membres. En réalité, l'arme fatale de Bruxelles est économique. Et, sur ce terrain, l'Union européenne peut frapper fort. Pour le moment, le plan de relance polonais n'est toujours pas avalisé par la Commission. "Car il ne satisfait pas aux onze critères requis pour être qualifié" , explique-t-on du côté bruxellois, en se gardant bien de préciser lesquels. "Dans le contexte actuel, Varsovie risque d'attendre avant de voir le premier euro" , ironise Sébastien Maillard, directeur de l'Institut Jacques Delors.

Mais la Pologne a un autre talon d'Achille: elle figure parmi les principaux bénéficiaires nets du Budget européen. Du coup, la Commission pourrait décider de la priver des aides européennes dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC) ou des subventions qui transitent via les cinq fonds structurels et d'investissements, et lui faire très mal au portefeuille. Jusqu'à présent, un seul pays, la Hongrie, a été sanctionné de la sorte, dans le cadre d'une procédure pour déficit public excessif en 2013.

Depuis cette année, la Commission dispose d'un autre levier, encore plus redoutable. Le versement des fonds européens peut être suspendu si le pays récipiendaire ne respecte pas l'Etat de droit. Un mécanisme de "conditionnalité" auquel la Pologne et la Hongrie restent opposées. Même si ces deux Etats ont signé le Budget européen pour 2021-2027.

Quid des EPR d'EDF?

Pourtant, les choses ne sont pas si simples. "Attention! Priver la Pologne de ses subsides, c'est d'abord pénaliser une population majoritairement favorable au maintien dans l'Union" , prévient Claude-France Arnould, ex-conseiller diplomatique du gouvernement au ministère des Affaires étrangères. Pour être appliquées, les sanctions proposées par la Commission doivent être validées à la majorité qualifiée par le Conseil de l'Union. Mais la Pologne fait partie des Etats membres, dont la France, qui ferraille pour que le nucléaire soit inclus dans la taxonomie "verte" , comme les énergies renouvelables. Et EDF est en négociation pour vendre des EPR à la Pologne… Pas sûr, dans ce contexte, que Paris soit très enclin à se mettre Varsovie à dos en votant des sanctions.

SOUS PERFUSION EUROPÉENNE
36 milliards d'euros d'aides pour le plan de relance.
80 milliards d'euros de subventions européennes sur le Budget 2014-2020, soit en moyenne 3,5% du PIB.
Source: Challenges

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