Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, le 22 mars 2018. ©EUC/ROPI-REA
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Entretien

« Le départ du Royaume-Uni laissera un trou de 12 milliards d’euros »

3 min
Eulalia Rubio chercheuse senior à l'Institut Jacques Delors

Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne présente aujourd’hui son cadre budgétaire pluriannuel pour 2021-2027. Un exercice compliqué par le Brexit et les nouvelles ambitions des Etats membres. Entretien avec Eulalia Rubio, chercheuse senior à l’Institut Jacques Delors.

Comment les dépenses de l’Union européenne pourraient-elles évoluer dans le prochain cadre pluriannuel (2021-2027), dont les préparatifs commencent ?

Le budget de l’UE s’élève à 160 milliards d’euros par an actuellement, soit l’équivalent de 1 % du produit intérieur brut (PIB) de l’ensemble des Etats membres. Dans le cadre financier actuel (2014-2020), les principaux postes de dépenses sont la politique agricole commune (PAC, 39 % du budget) et la politique régionale (34 %), destinée à corriger les déséquilibres entre territoires au sein de l’Union. Les autres volets (recherche, éducation, infrastructures de transport et d’énergie, justice, action extérieure...) pèsent bien moins. Quant au coût de fonctionnement des institutions, il représente 6 % des dépenses. Deux paramètres principaux influencent l’élaboration du cadre pluriannuel 2021-2027. Le premier, c’est le trou que va laisser le départ du Royaume-Uni, contributeur net au budget à hauteur d’environ 12-13 milliards d’euros par an. Le second, c’est la volonté de l’Union de s’impliquer davantage dans certains domaines : défense, migrations, numérique, etc.

L’Union ne doit-elle pas augmenter son budget ?

Le Commission est favorable à une hausse modérée qui le ferait passer à l’équivalent de 1,1 % du PIB. Certains Etats membres, notamment l’Allemagne, traditionnellement réticents face à une augmentation parce qu’ils sont contributeurs nets, s’y montrent désormais favorables. Mais d’autres contributeurs nets (Autriche, Pays-Bas, Suède, Danemark) s’y opposent.

Instaurer une taxe européenne sur les multinationales du numérique, comme le propose Paris, permettrait de financer de nouvelles actions sans accroître les contributions nationales

La France, qui elle aussi contribue plus au budget qu’elle ne bénéficie des fonds européens, plaide pour une hausse des ressources propres1 de l’Union. Celles-ci ne représentent que 10 % du budget, le reste étant fourni par les contributions directes des Etats membres. Instaurer une taxe européenne sur les multinationales du numérique, comme le propose Paris, permettrait de financer de nouvelles actions sans accroître les contributions nationales. Cela dit, selon certains experts, la hausse du budget suggérée par la Commission ne suffirait pas à compenser le Brexit et à financer de nouvelles actions, tout en gelant les dépenses actuelles à leur niveau réel.

Quels postes de dépenses devraient être amputés ?

La Commission a dit qu’elle proposera des coupes modérées dans les deux principaux postes de dépenses (PAC et cohésion). Certains parlent de 10 % ou 15 % de réduction en termes nominaux. Comme dans les négociations précédentes, on s’attend à ce que les Etats se rallient autour de deux grandes coalitions : contributeurs nets et bénéficiaires nets. Mais ces groupes seront peut-être moins unis que par le passé. Nous ne savons pas comment le départ de l’un des contributeurs nets les plus véhéments (le Royaume-Uni) affectera la dynamique au sein de cette coalition.

Des Etats comme les Pays-Bas souhaitent que les aides directes aux agriculteurs ne soient plus financées par le seul budget européen, mais cofinancées avec les budgets nationaux

Quant aux bénéficiaires nets (pays du Sud et d’Europe centrale et orientale), ils n’ont pas la même vision sur des sujets sensibles, telles l’action de l’Union en matière d’immigration ou la possibilité de conditionner le versement de certains fonds au respect de l’Etat de droit. Concernant la PAC, des Etats comme les Pays-Bas souhaitent que les aides directes aux agriculteurs ne soient plus financées par le seul budget européen, mais cofinancées avec les budgets nationaux. Une solution à laquelle la France est hostile.

  • 1. Provenant des droits de douane perçus sur les importations en provenance de pays tiers.
Propos recueillis par Yann Mens

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